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au sud le long de l’Océan-Atlantique. Ce vaste et haut massif est très probablement un champ d’or, à en juger par l’inépuisable quantité que les noirs en fournissent depuis quatre siècles aux Européens sans autres manipulations que quelques grossiers lavages.

Quelles seront les conséquences probables de cette exploitation des placers africains ? Sans indiquer aucune approximation ni limiter aucune espérance, il est permis de signaler à l’attention publique un fait qui ressort de l’histoire contemporaine de la Californie et de l’Australie. La production de l’or est le moindre bénéfice qu’une nation retire de la découverte et de l’exploitation des mines de ce métal. L’avantage capital est tout autre : il consiste dans l’installation d’une population nombreuse, dont les besoins urgens, en fait de nourriture, de vêtement, de logement, de luxe, sollicitent bientôt tout un essor d’activité qui n’était pas entré dans les prévisions premières. Les huttes des mineurs se groupent et deviennent des hameaux et des villages qui s’entourent de jardins et de champs, se reliant les uns aux autres par des routes. Des villes s’élèvent aux points principaux d’intersection pour l’arrivage, le départ, l’échange. L’agriculture et l’industrie s’allient au commerce pour répondre aux besoins d’une société naissante ; les institutions sociales ne tardent pas à naître au sein fécond de toute une population remplie d’ardeur ; la famille se régularise, la propriété se constitue. Dix ans d’émigration à la recherche de l’or en Californie et en Australie ont conduit ces contrées à un degré de prospérité, à un chiffre de population qu’elles n’auraient pas atteints par trois siècles de développement régulier. Tel est l’effet général et vraiment légitime qu’exerce l’or par son prestige sur l’imagination humaine. L’histoire atteste que c’est à des attractions pareilles qu’est due la colonisation de l’ancien continent. C’étaient des métaux précieux que cherchaient sur les côtes de la Méditerranée les Tyriens et les Carthaginois, ces ancêtres de tous les peuples navigateurs. Aussi s’engagerait-on dans une étroite et dangereuse voie, en ne demandant aux terres où la nature a semé ce puissant aimant que la richesse matérielle des pépites et des lingots d’or. À vrai dire, celle-ci n’est que l’accessoire : le peuplement et la culture doivent être les principaux objets de l’ambition des gouvernemens, et c’est pourquoi ils doivent veiller avec soin à ne pas écarter, par l’exagération des règlemens et des charges, le courant d’émigration qui se manifeste partout où l’abondance de l’or promet une facile richesse. Si le climat trop ardent de l’Afrique occidentale se refuse aux invasions des races européennes, qui seules ont arraché au Nouveau-Monde le secret de ses trésors, que l’on ne dédaigne pas l’affluence même un peu désordonnée des noirs. Avec eux, tout ira, il est vrai, plus lentement, comme travail et civilisation ; l’or ne circulera point