Page:Revue des Deux Mondes - 1858 - tome 17.djvu/865

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

épuiser, arrête les fouilles les plus fructueuses, et même dans les mines exploitées le chômage ne dure pas, à cause des eaux pluviales, moins de sept mois par année. Sur certains, points, particulièrement aux flancs des montagnes et des collines, de superstitieuses terreurs écartent toute recherche, car les habitans assurent que quiconque porte sur ces terrains, hantés et’ protégés par le démon, une main sacrilège meurt ou devient fou. MM. Raffenel et Huart ne purent à aucun prix déterminer des guides à les accompagner dans ces domaines infernaux, ils durent même s’abstenir d’y aller seuls pour ne pas soulever la colère des populations. Recherchant une explication à ces sombres légendes, ils supposèrent que l’arsenic, probablement mêlé aux terrains aurifères, avait donné naissance à certains accidens, et ils s’expliquèrent ainsi comment, en plein XIXe siècle, d’un fonds de vérité naissent et se développent les contes de la mythologie dans l’imagination des peuples enfans, dont la crédulité se mesure à l’ignorance. Malgré les médiocres résultats qu’ils constatèrent, nos voyageurs se tinrent pour bien édifiés sur la richesse réelle des mines du Bambouk, et c’est en vue d’une exploitation ultérieure par l’initiative ou sous le patronage de la France qu’ils négocièrent l’acquisition du terrain où fut construit, l’année suivante, le fort de Sénoudébou. Il faut relever ici un trait curieux de mœurs locales. L’exploitation des mines de Kaniéba est le monopole des femmes, qui en partagent le produit avec le propriétaire qui les leur a louées. Les hommes ne sont admis qu’à extraire le minerai et à faire sentinelle contre les attaques à main armée qui sont toujours à redouter parmi ces peuplades, où la police n’a guère plus de force que la morale pour garantir à chacun les fruits de son travail ; aussi depuis plusieurs années le travail y est-il presque entièrement suspendu.

Le chemin était ouvert ; d’autres explorateurs ne tardèrent pas à s’y engager. En 1856, un jeune officier, M. Flizes, aide-de-camp du gouverneur du Sénégal et directeur des affaires indigènes à Saint-Louis, fut envoyé par M. Faidherbe dans le pays de Kaniéba. Parti de Sénédébou en octobre sur l’aviso à vapeur le Serpent, M. Flizes, profitant des grandes eaux de la saison, remonta la Falêmé, et, franchissant les passes du Débou, il put arriver heureusement à quatre ou cinq lieues de Kaniéba, où il fut accueilli avec des transports de joie par les naturels du pays, qui croyaient impossible qu’un grand navire pût jamais parvenir si près de leurs villages. Cet imposant spectacle, témoignage de la science et de la force des blancs, maîtrisa les esprits autant par l’admiration que par la crainte, et les habitans du village se prosternèrent sur le bord de la rivière en criant qu’ils ne reconnaissaient plus d’autres chefs que les blancs. M. Flizes fut lui-même émerveillé de voir, au-dessus de Sénédébou, des