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escales, à certaines saisons. Ce ne fut qu’en 1845 que la douane finit par céder, non sans douleur et sans murmure, à l’autorité d’un nouveau gouverneur, M. Thomas, qui comprit enfin que l’affluence à Saint-Louis de gommes de toute provenance ne pouvait que contribuer à la prospérité générale.

L’histoire de la gomme est courte. Au XVIIIe siècle seulement, les Hollandais révélèrent à l’Europe celle du Sénégal comme similaire de la gomme d’Égypte et d’Arabie, et la nommèrent d’abord gomme de l’Inde, parce qu’elle formait un article de retour pour les navires venant de l’Inde : elle ne tarda pas à compter parmi les articles principaux d’exportation de la côte occidentale d’Afrique. Depuis le milieu du XVIIIe siècle jusqu’à la révolution, qui, en supprimant les compagnies, modifia profondément le régime commercial de toutes nos colonies, l’exportation roula autour de 1,500,000 livres, équivalent de 5 à 600,000 kilogrammes de nos jours, chiffre qui n’avait pas sensiblement varié sur la fin de la restauration ; mais lorsque l’abandon des cultures tentées à grands frais dans la période décennale 1820-1830 eut ramené toutes les spéculations sur la gomme, la progression fut des plus rapides. Dès 1830, on exporta plus de millions de kilogrammes, et 4 millions dans les années d’abondance 1838 et 1839. Les années 1840 et 1845 ne produisirent que 2 millions. L’année 1856 est retombée à 1 million et demi, ce qui représente encore les trois quarts de l’importation en France des gommes pures exotiques. À s’en tenir aux gommes des Maures, il ne paraît pas que ces quantités puissent guère s’accroître ; mais elles augmenteraient dans une proportion qu’il est impossible de prévoir, si les forêts des noirs étaient exploitées. Il faut du reste avouer que cette matière, d’une incontestable utilité technologique et médicale, intéresse médiocrement l’économie sociale. Comme les arbres qui la fournissent sont embarrassés de lianes et hérissés d’épines, la récolte est une rude corvée imposée aux captifs par la faim et la peur des châtimens, corvée qui n’amène ni habitudes régulières de travail, ni effort d’intelligence, ni acte d’appropriation, soit du sol, soit de l’arbre. Un simple bâton recourbé en croc pour détacher la gomme constitue tout l’outillage. Les forêts, produit spontané du sol, n’étant la propriété de personne, ne sont l’objet d’aucun soin, et la récolte appartient à qui l’amasse.

Il en est autrement de l’arachide, dont les propriétés oléagineuses, découvertes depuis vingt-cinq ans à peine, ont été bientôt appréciées en France. L’arachide croissant spontanément dans toute la Sénégambie, les soins les plus simples suffisent à une culture qui prend du reste un temps très court : en trois ou quatre mois, la plante est semée et récoltée. Tous les terrains lui conviennent, et particulièrement les plus secs. Le rendement est aussi remarquable par