Page:Revue des Deux Mondes - 1858 - tome 17.djvu/851

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de notre protection et du libre parcours de leurs bestiaux sur nos pâturages, les Ouled-bou-Ali se sont engagés à bâtir un village à Maka et à repousser les incursions de leurs compatriotes : ils tiennent fidèlement parole. Les Peuls, qui voient chaque jour s’accroître leur nombre et leur force, combattent vaillamment avec nous, sans renoncer à la vie pastorale, qui leur est chère. Les uns et les autres forment, autour de Saint-Louis, une avant-garde laborieuse et guerrière, double centre de ralliement des indigènes, la première conquête de cette puissance pacifique d’attraction et de considération qu’exerce au loin la qualité de Sénégalais, réservée dans la langue courante à la population de Saint-Louis. Plus au loin, dans l’intérieur du pays, à travers le Oualo, et sur les confins du Gayor et du Dimar-Fouta, se trouve disséminée, à l’abri de nos forts, le reste de la population que, dans l’arrondissement de Saint-Louis, protège notre loi : elle s’élève à quarante mille âmes environ.

Tels sont les élémens que la civilisation européenne doit, après les avoir fixés sous son autorité, pénétrer de la vie morale et industrielle, au moins à un premier degré. La religion et l’éducation se présentent d’abord comme les instrumens de cette métamorphose, deux puissances qui doivent être moins encore séparées en Afrique qu’en Europe, parce que l’islamisme les a déjà rapprochées au point de les confondre souvent. C’est au dernier siècle seulement que le Koran a pénétré dans la Sénégambie, jusqu’alors livrée aux superstitions du fétichisme. L’islamisme s’y est implanté par deux courans opposés. L’un est venu du nord, avec les Maures émigrés de la région atlantique, à travers le grand désert : fidèles à toutes les traditions de leur race, les Maures ont partout prêché l’islam, même au sein des peuplades qu’ils ruinaient par leurs brigandages. La seconde source de propagande musulmane provient des Peuls, ce peuple missionnaire de l’islamisme, aux origines mystérieuses, que sous des noms divers, sous celui de Fellatahs principalement, l’on rencontre enseignant avec ardeur sa foi par tous les chemins et dans toutes, les villes du Soudan, depuis l’Abyssinie jusqu’au Sénégal. Un prince resté célèbre et vénéré, Abd-oul-Kader, fut au XVIIIe siècle l’apôtre du Fouta et du Galam, où son histoire est devenue une légende populaire, illustrée par des vertus incomparables et les plus étonnans miracles. Sous cette double influence, la plus grande partie de la Sénégambie a reçu l’islamisme dans ses dogmes essentiels, l’unité de Dieu et la mission de Mahomet ; mais la pratique est loin d’être toujours conforme aux prescriptions du livre saint. La foi aux amulettes, sous le nom de gris-gris, poussée jusqu’à une inconcevable extravagance, et l’usage des boissons fermentées constituent presque partout, en dehors cependant du Fouta, une scandaleuse dérogation à l’orthodoxie pratique. Il se trouve aussi quelques peuplades