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viens là, viens me lire cette jolie lettre, qui est, j’en suis sûre, de Mlle Noélie.

La mère et le fils reprirent à cette douce lecture leurs rêves d’espoir et de bonheur. Malgré sa résistance, Madeleine fut obligée d’avouer l’origine des trois cents francs, et Marcel pleura sur les sacrifices qu’avait faits la tendre femme pour lui rendre la joie et l’honneur.

Vers le soir, Madeleine fut prise d’une fièvre ardente. Marcel à son tour veilla et pria, plein d’amour et d’anxiété, au chevet de son lit, et deux jours après, lorsque le garçon de l’imprimerie apporta les épreuves des thèses, Marcel, qui avait fondé sur elles son meilleur espoir et son plus grand bonheur, les reçut d’un œil triste, s’écriant d’une voix navrée : — Voilà peut-être le prix de la vie de ma mère !

Le malheureux jeune homme suivait avec désespoir les progrès d’une pleurésie des plus graves, produite par le froid, les émotions et la fatigue que la pauvre femme avait endurés depuis son départ de Fabriac. Désolé et comme en proie à un affreux remords, il n’osait pas assumer sur lui toute la responsabilité des soins à donner à sa mère ; mais Madeleine refusait tout secours étranger. — Mon Lavenou, disait-elle avec tendresse à son fils, je t’en prie, guéris-moi toi-même, et si tu ne le peux tout seul, c’est alors que le bon Dieu me demande.

La bonne mos exigea que son fils la quittât pour aller déposer sa thèse à la faculté de médecine. La pauvre femme n’avait qu’une pensée, celle du triomphe de son fils. Elle l’encourageait et l’exhortait de sa voix affaiblie. Marcel avait voulu plusieurs fois faire venir son père, mais Madeleine s’y était toujours opposée. — Épargne-lui le douloureux spectacle de mon agonie, lui disait-elle avec une secrète terreur. Il ne pourrait diminuer mon mal. Je veux lui dire adieu, mais il n’est pas temps encore. Il viendra avec Rose me fermer les yeux, car je désire vous avoir tous à mon dernier moment ; mais Dieu me fera, j’espère, la grâce de pouvoir t’embrasser professeur avant que je retourne à lui. — Puis elle le grondait doucement lorsqu’ému et navré des souffrances de sa mère, il abandonnait en sanglotant la thèse de concours sur laquelle il devait argumenter.

Madeleine s’éteignait doucement, comme elle avait vécu. Toute sa crainte était de ne pas vivre jusqu’au jour de la nomination de son fils. Elle se sentait plus faible d’heure en heure, et n’osait demander un prêtre, de peur de causer à Marcel une recrudescence d’émotions et de douleurs, qui, pensait-elle, pourrait le paralyser au moment si décisif de la discussion de sa thèse. Aussi simple dans sa foi