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de médecine de Montpellier pour une chaire de professeur ; elle mit pour condition au mariage que Marcel s’y présenterait, et que la main de sa fille serait le prix de son succès. La veuve, toujours craintive pour sa santé, n’était point fâchée d’avoir un gendre qui se fût distingué dans les sciences médicales, et le titre de professeur lui parut suffisant pour effacer chez le jeune homme l’obscurité de sa naissance et la médiocrité de sa fortune. Ivre de bonheur et d’espoir à cette nouvelle, Marcel jura que Mme de Presle et Madeleine pouvaient déjà bénir les fiançailles de leurs enfans.

Ce fut un beau jour que celui où Marcel revit Noélie. Mme de Presle et sa fille reçurent le jeune homme sur la grande terrasse du château. Cette aimable saison qu’on appelle l’été de la Saint-Martin brillait alors de son plus doux éclat. Le soleil envoyait ses rayons amollis à travers la sombre verdure des pins, dont l’ombre légère vacillait sur le sol ; des montagnes couvertes de neige bordaient l’horizon, tandis que les nuages capricieux ornaient les sommets argentés de dentelures bizarres. Les asters, les dahlias, les marguerites, confondaient leurs fleurs diaprées dans les massifs. Des grappes de balsamines nuancées s’élevaient au-dessus de pâles bégonias ; les graines impétueuses de ces plantes d’automne, caressées par un chaleureux rayon, brisaient leur frêle enveloppe, et arrivaient en pétillant jusqu’aux pieds des jeunes fiancés. De mélancoliques plumbagos avaient l’air de pencher leurs fronts décolorés sur quelque douleur mystérieuse, et les élégans marabouts du sumac se balançaient en blancs panaches sur les rosiers de Noélie.

Après avoir interrogé sa mère d’un regard timide, Noélie offrit à Marcel un de ses beaux rosiers du Bengale, planté dans un vase élégant.

— Aimez ces fleurs, dit-elle en rougissant ; ce ne sont pas les premières que je vous donne, mais celles-ci ne se faneront pas comme celles de mon bouquet, ou plutôt elles renaîtront par vos soins. Ces pétales délicats semblent l’image de ma faiblesse : comme moi, ils ont besoin pour vivre de soleil et d’amour. En les soignant, Marcel, vous penserez à moi. Greffez-les de roses blanches, et lorsque de nouveaux boutons éclôront au printemps, je reviendrai, heureuse et souriante, cueillir ma couronne de mariée parmi ces fleurs, qui seront parées d’une virginale blancheur.

— Laissez-moi vous donner aussi un souvenir d’amour et un gage de ma foi, répondit Marcel avec émotion, en passant une modeste croix d’or dans le ruban bleu qui ornait le cou de la jeune fille ; placez ce bijou sur votre cœur, chère Noélie : il a reposé sur celui d’une femme pieuse et tendre qui sera notre seconde mère ; il a reposé sur le mien, qui ne bat que pour vous.