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fleur aime à disparaître sous l’ombre qui lui donne son charme et sa fraîcheur, ils s’abritaient sous d’humides et longues paupières. Lorsque Noélie relevait ses cils dorés, un regard pur, radieux, un regard de vierge reflétait son âme candide. On respirait près d’elle un chaste parfum de jeunesse, d’élégance et de naïveté. Sa vie avait été un bonheur doux et serein, sans larmes d’enfant ni soupirs de jeune fille. Elle avait conservé les adorables illusions de l’âge tendre, la franchise d’une âme libre, la joie expansive d’un cœur heureux.

Nina fut très scandalisée que son fiancé dansât avec une jeune fille vêtue d’une simple robe de coutil bleu, sans autre ornement qu’un petit col tout plat. De son côté, la Parisienne avait demandé à Marcel quel était cet assemblage de falbalas et de rubans qui se tenait ainsi raide sur sa chaise. Le jeune homme, qui ne savait pas mentir, répondit en rougissant que c’était la jeune fille avec laquelle son père désirait l’unir ; mais il s’empressa d’ajouter qu’il la connaissait à peine, et que sans nul doute ce projet de famille ne pourrait se réaliser, car il n’y apportait de son côté aucune sympathie. Noélie, un peu confuse de sa question, alla dire, afin de réparer son étourderie, quelques douces paroles à la pauvre délaissée. Elle lui annonça l’arrivée de son frère, avec lequel on pourrait faire un quadrille à part. La grosse fille du notaire subit le prestige enchanteur de la jeune châtelaine ; elle se demanda même, après avoir entendu le son de sa douce voix, si le chapeau de paille et les manchettes unies de Mlle de Presle n’étaient pas plus comme il faut que tout son attirail de dentelles et de dorures traînées dans la poussière, et en pensant qu’elle allait danser avec un jeune Parisien de noble origine, elle faillit remercier Marcel d’avoir engagé Noélie. Les orgueilleux ont quelque chose de bon : ils ne connaissent pas la jalousie.

Hector de Presle, à son retour de la chasse, vint en effet rejoindre sa sœur. C’était un beau jeune homme, très amoureux de sa personne et recherchant la louange, mais bon garçon du reste. Il se débarrassa de sa carnassière et de son fusil, et sur un signe de Noélie, il invita Nina à danser. Le petit quadrille s’organisa donc à l’écart.

Le visage de Marcel, d’ordinaire assez pâle, s’était chaudement coloré. Sur son front pensif semblait rayonner une félicité inconnue. L’idole séraphique si longtemps bercée dans ses rêves solitaires était là, sa main dans sa main, son sourire répondant à son sourire, ses cheveux blonds effleurant son visage. Noélie de Presle réalisait l’idéal de son cœur, c’était l’ange qu’il devait aimer. Marcel n’avait jamais entendu le pur accent de la France du nord. Cet élégant langage sortait en notes perlées de la jolie bouche de Mlle de Presle, et