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hellénique allait s’effaçant peu à peu sous l’action de l’esprit oriental ; c’est l’invasion de Darius qui a créé la Grèce.

M. Ernest Gurtius n’a encore publié que le premier volume de son Histoire grecque, et déjà le succès est assuré. Certes ces œuvres jeunes et brillantes ne rejetteront pas dans l’ombre les monumens presque titaniques des générations précédentes : MM. Mommsen, Duncker, Curtius, ne feront pas oublier les Niebuhr, les Grimm et les Lachmann ; on peut affirmer cependant que le succès de cette nouvelle école atteste une heureuse transformation du goût public. Non, les travaux de la grande érudition, de l’érudition aventureuse et conquérante, ne disparaîtront pas dans un pays comme l’Allemagne. Il y a encore des hommes qui consacrent leur vie à de vaillantes entreprises et qui passionnent les esprits par la témérité de leurs systèmes. M. Édouard-Maximilien Roeth, qui vient de mourir, le 7 juillet 1858, dans la force de l’âge et du talent, avait prétendu retrouver en Égypte et en Assyrie les premiers élémens de la culture hellénique ; ces rapports de la Grèce primitive et du vieil Orient, si souvent et si vaguement indiqués, il avait voulu en faire l’histoire, et après des travaux gigantesques, il est mort à la peine. M. Roeth est un des derniers représentans de cette grande race d’érudits que je rappelais tout à l’heure ; mais il a beau appartenir à un autre âge, il agite encore la science de son temps, il met en émoi l’école d’Ottfried Müller, l’école des hellénistes autochthones, qui ne veulent pas que la Grèce doive rien à l’Orient ; il a des adversaires acharnés et de fidèles défenseurs ; il provoque en un mot des polémiques où l’esprit de la critique nouvelle saura bien se faire place. Pour populariser les idées de M. Roeth, il faudra des savans armés d’une plume alerte, et déjà voici un disciple, M. Julius Braun, qui continue les recherches de son maître avec une rare netteté d’intelligence. Le devoir de M. Julius Braun est d’éclaircir, de démontrer les découvertes de M. Roeth, comme M. Mommsen a profité de Niebuhr et de Drumann, comme MM. Max Duncker et Ernest Gurtius ont vivifié les travaux des grands hellénistes, depuis Heyne jusqu’à Ottfried Müller.

Si l’histoire ancienne a la première place dans le mouvement d’études de ces dernières années, l’histoire moderne, on le pense bien, n’a pas été négligée par des hommes avides de vérités pratiques. Parmi les écrivains qui ont le mieux réussi à rendre l’histoire vivante, il est impossible d’oublier M. Strauss, et la chose vaut la peine d’être remarquée, si l’on se rappelle la méthode et l’esprit de ses premiers travaux. À ne considérer qu’au point de vue littéraire le livre intitulé la Vie de Jésus, la principale faute de l’auteur est d’avoir soumis les événemens à des formules préconçues,