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s’inspire à la fois de Schelling et des docteurs du moyen âge : à Schelling il emprunte ses conceptions grandioses, aux scolastiques leurs formules pédantesques. Après d’intéressans chapitres sur l’idée de Dieu, sur la nécessité d’un Dieu libre et vivant, M. Fischer veut absolument retrouver tous les caractères de ce Dieu dans l’histoire de l’humanité, et de là ce qu’il appelle le règne du Père, le règne du Fils, le règne du Saint-Esprit, trois périodes qu’il aperçoit dans le développement de l’esprit humain, et qui sont comme la marque de Dieu sur son œuvre, un sublime reflet du ciel mystérieusement imprimé sur la terre. Ces idées hardies, qui depuis longtemps ne sont plus neuves, M. Fischer essaie d’en faire une démonstration algébrique, et il donne ainsi à son livre deux caractères très différens, l’audace et le pédantisme, l’effusion des sentimens religieux et la sécheresse des formules.

À quoi bon suivre dans les nues cette théologie transcendante ? Il suffit d’avoir indiqué les généreuses imprudences de l’auteur. Le plus grand intérêt de l’Ouvrage de M. Fischer, c’est qu’il marque la fin de cette période où un idéalisme chimérique préparait à la philosophie de si étranges mécomptes. À coup sûr, cette théologie anti-hégélienne est hors de saison ; cette construction scolastique du christianisme arrive trop tard ; les ennemis que M. Fischer attaque ne sont plus ceux qui mettent aujourd’hui la philosophie en péril ; mais ce manque d’opportunité a précisément quelque chose de dramatique et qui saisit l’esprit. Dernier représentant d’un mouvement d’idées qui s’est éteint, enfermé dans son œuvre comme un moine dans sa cellule, M. Fischer est demeuré seul pendant que l’Allemagne entière changeait. Nous pouvons mesurer, en lisant son livre, le chemin que la pensée allemande a parcouru depuis une vingtaine d’années.

Il y a vingt ans, lorsque M. Fischer est entré dans l’arène, le panthéisme de Hegel dominait toute la littérature philosophique ; le désir de jeter à bas le système de Hegel, de le remplacer même pour mieux le détruire, a été la constante inspiration de sa vie. C’est Hegel qu’il a toujours devant les yeux, ce sont les programmes de Hegel qu’il reprend et qu’il essaie de remplir à sa manière. Hegel a écrit son Encyclopédie des Sciences philosophiques ; M. Fischer publie un ouvrage sous le même titre. Hegel a fait une Philosophie de la Religion, M. Fischer nous donné aussi la sienne. Qu’est-ce, dans l’ouvrage de M. Fischer, que ces méditations métaphysiques sur le règne successif des trois personnes divines ? Hegel, s’appropriant certaines idées de Schelling, de Lessing et d’un mystique célèbre du XIIIe siècle, l’abbé Joachim de Flores, avait développé sous cette formule le passé, et l’avenir religieux de l’humanité ; M. Fischer s’empresse de suivre, son exemple en combattant ses