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mains, comme un dépôt confié à son père, auquel il avait succédé.

— J’ai ces pièces chez moi, à Gœvala, en effet, répondit M. Goefle. Elles ont été examinées par des experts, elles sont authentiques ; mais ne tombe-t-il pas maintenant sous le sens qu’elles ont été arrachées au consentement de la baronne Hilda par la contrainte ou par la terreur ? Calmez-vous, Christian, tout s’éclaircira. Tenez, major, voici une autre découverte faite hier dans un vêtement que je vais vous montrer : une lettre du baron Adelstan à sa femme ; lisez, et supputez les dates. L’espérance de la maternité était confirmée le 5 mars, après deux ou trois mois d’incertitude peut-être ! L’enfant naissait le 15 septembre ; la baronne s’était réfugiée ici dans les premiers jours dudit mois. Elle y était probablement retenue prisonnière, et elle y mourait le 28 décembre de la même année. Encore une preuve : voyez ce portrait en miniature ! Regardez-le, Marguerite d’Elvéda. C’est le comte Adelstan, qui certes n’a pas été peint pour les besoins de la cause ; le peintre est célèbre, et il a daté et signé son œuvre. Ce portrait est pourtant celui de Christian Waldo ! La ressemblance est frappante. Enfin regardez le portrait en pied du même personnage. Ici même ressemblance, bien que ce soit l’œuvre d’un artiste moins habile ; mais les mains ont été rendues naïvement, et vous voyez bien ces doigts recourbés : montrez-nous les vôtres, Christian !

— Ah ! s’écria Christian, qui marchait dans la chambre avec exaltation, et qui laissa M. Goefle saisir ses mains tremblantes, si le baron Olaüs a martyrisé ma mère, malheur à lui ! Ces doigts crochus lui arracheront le cœur de la poitrine !

— Laissez parler la passion italienne, dit M. Goefle au major, qui s’était levé, craignant que Christian ne s’élançât dehors. L’enfant est généreux ; je le connais, moi ! Je sais toute sa vie. Il a besoin d’exhaler sa douleur et son indignation, ne le comprenez-vous pas ? Mais attendez, mon brave Christian. Peut-être le baron n’est-il pas aussi criminel dans le passé qu’il nous semble. Il faut connaître les détails, il faut ravoir Stenson. Délivrer Stenson et l’amener ici, major, voilà ce qu’il faudrait, et ce que vous ne voulez pas faire.

— Vous savez bien que je ne le peux pas, s’écria le major, très ému et très animé. Je n’ai aucun droit devant l’autorité seigneuriale, surtout en matière de répression domestique, et si le baron veut faire souffrir ce vieillard, il ne manquera pas de prétextes.

Ici le major fut interrompu par Christian, qui ne pouvait plus contenir son impétuosité. Il voulait aller seul au château neuf, il voulait délivrer Stenson ou y laisser sa vie. — Quoi ! disait-il, ne