Page:Revue des Deux Mondes - 1858 - tome 17.djvu/65

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

en possession de la présente déclaration… En foi de quoi, — après avoir fait contrat de bonne amitié avec Taddeo Manassé, lequel doit ne jamais perdre de vue ledit Christian de Waldemora, résider où il résidera, et lui venir en aide si autre protection venait à lui manquer, mettre en sa propre place à cette fin, en cas de maladie grave et danger de mort, une personne sûre comme lui-même ; enfin donner une fois par an de ses nouvelles au soussigné : — le soussigné, voulant conserver sa place d’intendant au château de Waldemora, afin de ne pas éveiller de soupçons et de gagner l’argent nécessaire aux déplacemens présumés de Taddeo ou aux besoins éventuels de l’enfant, a quitté, non sans douleur, la ville de Pérouse pour retourner en Suède le 16 mars 1750, croyant et espérant avoir fait son possible pour préserver de tout danger et placer dans une situation heureuse et digne le fils de ses défunts maîtres.

« Adam Stenson.

« Contre-signé Taddeo Manassé, gardien juré des peintures del Cambio, à Pérouse. »

— Parlez, Christian, dit M. Goefle à son jeune ami stupéfait et silencieux. Tout doit être vérifié. Ce Manassé était-il réellement un honnête homme ?

— Je le crois, répondit Christian.

— Ne vous offrit-il pas une fois des secours de la part de votre famille ?

— Oui. Je refusai.

— Connaissez-vous sa signature ?

— Très bien. Il fit plusieurs affaires avec M. Goffredi.

— Regardez-la ; est-ce son écriture ?

— C’est son écriture.

— Quant à moi, reprit M. Goefle, je reconnais parfaitement dans le corps de la pièce la main et le style d’Adam Stenson. Veuillez ouvrir ce carton, monsieur le major, et constater la similitude. Ce sont des comptes de gestion dressés et signés par le vieux intendant, à peu près à la même époque, c’est-à-dire en 1751 et 52. Au reste son écriture n’a pas changé, et sa main est toujours ferme. En voici la preuve : trois versets de la Bible écrits hier, et dont le sens, appliqué à la situation de son esprit, est ici fort clair et fort utile à constater.

Le major fit la constatation ; mais pour lui l’énigme restait, sinon entière, du moins assez obscure encore. Le baron avait-il fabriqué de fausses pièces pour établir que sa belle-sœur n’avait pas laissé d’héritier à lui opposer ? Il en était fort capable ; mais M. Goefle les avait vues, ces pièces. Il devait même les avoir encore entre les