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par le nombre, beaucoup plus considérable, des victimes de l’exploitation proprement dite, qui comprenait à la même époque 168 morts et 84 blessés, soit en tout 252 personnes, — heurtées sur la voie ou dans les stations par des machines locomotives, tombées en voulant s’introduire frauduleusement dans un train en marche, ayant payé de leur vie ou tout au moins de blessures graves une immixtion inutile ou maladroite dans des manœuvres de gare, etc. La circulation sur la voie est la cause la plus fréquente de ces accidens ; il en a surtout été ainsi au chemin de fer de Rhône-et-Loire, qui, n’étant primitivement pas clôturé et servant réellement de rue à quelques-uns des villages qu’il traversait, offre à lui seul 113 victimes pour les premières années d’exploitation.

Après avoir traité la question de la circulation publique sous le triple rapport de la cherté, de la célérité et de la sécurité, il ne me reste plus qu’à examiner quelques questions accessoires, qui sont de nature à éclairer le public dans ses relations avec les compagnies concessionnaires. Auparavant je voudrais dire un mot d’un sujet qui se rattache directement à cette partie de mon travail, les assurances contre les accidens de chemins de fer. À coup sûr, elles eussent été blâmées par le docte Émerigon, qui écrivait, en 1783, dans son Traité des Assurances, etc. : « La vie de l’homme n’est pas un objet de commerce, et il est odieux que sa mort devienne la matière d’une spéculation mercantile. » Cependant on doit convenir qu’un contrat d’assurance qui intéresse en définitive l’assureur à la sécurité de l’assuré, et qui ne peut faire bénéficier que celui-ci ou ses héritiers naturels, n’a en soi rien d’immoral. Je serais plutôt disposé à repousser cette combinaison par un argument tiré du calcul des probabilités qui lui sert de base, et consistant dans la proportion infime des éventualités auxquelles elle doit faire face, si le rapport de la prime à payer par le voyageur et de l’indemnité à recevoir par lui, en cas de sinistre, n’était pas extrêmement avantageux pour le public. Quoi qu’il en soit, des compagnies d’assurance contre les accidens de chemins de fer ont été constituées en France, en Angleterre, aux États-Unis et en Allemagne[1]. On ne s’étonnera pas sans doute de nous voir devancés en semblable matière par la Grande-Bretagne, où ce système est en vigueur depuis 1849 ; mais je ne crois pas que jamais on trouve en France une victime

  1. A un point de vue d’ensemble, l’exploitation des chemins de fer en Europe donne à peu près les mêmes résultats, ce qui montre bien, comme ne manque pas de l’observer le rapporteur officiel, que ce sont réellement là des voies de communication internationales. Les détails, qui seuls montreraient des différences essentielles, pourraient d’autant moins trouver place ici que les renseignemens fournis par les publications françaises au sujet des chemins de fer étrangers n’ont plus le caractère d’exactitude et de généralité, notamment en ce qui concerne la sécurité, qu’offrent à un si haut degré les documens relatifs à nos voies ferrées.