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loin les calculs, comme l’a fait avec une intelligente sagacité le rapporteur officiel que je viens de nommer. Sur les 111 voyageurs qui ont perdu la vie par le fait de l’exploitation des chemins de fer, 97 ont été tués par les accidens de Bellevue (1842), Fampoux (1846), Orsay (1854), Vaugirard, Moret et Peltre (1855), et 14 seulement l’ont été dans les accidens autres que ces catastrophes à jamais déplorables. Les six accidens exceptionnels que je viens de rappeler donnent une proportion analogue à celle qui résulte du calcul opéré sans distinction, tandis que les autres ne donnent que celle de 1 mort pour 13,500,000 voyageurs. C’est là réellement le seul chiffre dont on doive garder la mémoire, comme correspondant aux conditions normales de la sécurité qu’offrent au public nos voies ferrées. Ajouterai-je que, sur les 97 morts dues à ces six accidens anormaux, 52 constituent la part afférente au seul sinistre de Bellevue, arrivé précisément au moment où notre réseau était encore dans l’enfance ? La génération présente se souvient encore de la stupeur produite à Paris par un fait qui s’élevait à la hauteur d’un désastre public, et que rendait encore plus émouvant la triste fin d’un amiral, qui, après avoir promené glorieusement son pavillon autour du globe, venait périr misérablement, avec toute sa famille, à la suite d’un voyage de plaisir et d’un trajet de quelques kilomètres. Dans cette terrible catastrophe, neuf voyageurs en outre avaient été blessés. Les cinq autres accidens apportent un contingent de cinquante victimes qui n’ont pas perdu la vie. On voit dès lors que le nombre des voyageurs blessés à Bellevue, Fampoux, Orsay, Vaugirard, Moret et Peltre n’est pas de nature à exercer, comme cela avait lieu pour les voyageurs tués, une influence notable sur la proportion qui résulte de la comparaison du nombre total des blessés au nombre des voyageurs transportés depuis 1835 jusqu’à la fin de 1856.

L’administration n’avait point attendu que les trop nombreux accidens de 1853 appelassent brusquement son attention sur la question capitale de la sécurité des voyages en chemins de fer. Aucune lacune n’existe dans cette branche si importante de la statistique des chemins de fer français. Antérieurement à 1850, les préfets des départemens traversés par les lignes de fer avaient adressé au ministre des travaux publics des renseignemens relatifs aux accidens arrivés sur ces lignes depuis la mise en exploitation jusqu’au 31 décembre 1847. En 1852, les ingénieurs de l’état avaient été invités à réunir des documens semblables pour la période qui s’étend du 1er janvier 1848 au 31 décembre 1851 et pour le premier semestre de 1852. Depuis cette époque, une statistique périodique, primitivement trimestrielle, maintenant mensuelle, tient régulièrement l’administration supérieure au courant des accidens de toute nature qui se produisent sur notre réseau, alors même qu’aucune conséquence