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ont eu tristement raison, et elle donna lieu à des espérances qui, comme on le verra plus tard, ne se réalisèrent point. Le faible développement des affaires entamées par les sociétés locales de Nevers, de Marseille et de Paris ; dont la dernière elle-même au 31 décembre 1852, n’avait pas réalisé 1 million de prêts, venait de prouver qu’il fallait chercher de nouvelles combinaisons, et dans notre pays le retour à l’unité en fournissait une d’un mérite incontestable ; mais il n’était pas prudent, et on le vit bientôt, de promettre faux emprunteurs, des conditions aussi favorables, et surtout de les promettre sans limites.

Le premier effet du nouveau décret fut, chacun peut s’en souvenir, d’arrêter brusquement dans toute la France les prêts hypothécaires et de modifier ainsi les anciennes habitudes du pays. Plus tard, l’engouement pour les valeurs industrielles a fortifié la nouvelle tendance des capitaux à déserter la terre pour se porter vers la bourse ; mais, au moment dont nous parlons, cette prédilection n’existait pas encore ou du moins n’avait pas atteint les proportions que nous lui avons vu prendre depuis lors. Avant que les anciens prêteurs sur hypothèque songeassent à acheter des actions et obligations de chemins de fer, il est notoire que les emprunteurs, séduits par les promesses du crédit foncier, s’étaient refusés à emprunter aux conditions antérieures.

On a cru pouvoir regretter à cette occasion que les administrateurs du nouvel établissement eussent introduit des élémens de spéculation dans les combinaisons financières nécessaires au succès de leurs plans. Ainsi les 200 millions promis aux premiers emprunteurs avaient été demandés au public sous forme d’obligations avec lots et tirage au sort. Cette combinaison particulière aux emprunts de la ville de Paris eut pour la société à Paris même un grand succès. Les mécomptes qui suivirent furent surtout imputables aux événemens politiques. En ce moment, la rente 3 pour 100 était à 86 fr., la Banque escomptait à 3 pour 100, les bons du trésor ne rapportaient que 2 1/2 à six mois ; les obligations se placèrent donc aisément au-dessus de 1,100 fr. ; mais les circonstances qui dès le mois de janvier 1853 modifièrent si gravement la situation ont montré jusqu’à l’évidence qu’on n’était pas allé assez loin dans des avantages à offrir aux prêteurs, car l’émission des obligations s’arrêta brusquement, et dès le 21 décembre 1853 il fallut revenir sur les promesses de l’année précédente et consentir à une élévation dans le taux de l’annuité, laquelle put, en vertu de l’article 1er du nouveau décret, être portée jusqu’à 5,95pour 100 toutes les fois que le cours moyen de la rente pendant trois mois : aurait été inférieur à 86 fr. Eh vertu de cette nouvelle facilité accordée au crédit foncier, de gouvernement restreignit à 9,700,000 fr. la subvention de 10 millions promise