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ne me répondit… Je pris le parti d’aller savoir de Gagine s’il ne l’avait pas trouvée.


XIX

En montant rapidement le sentier des vignobles, j’aperçus de la lumière dans la chambre de la jeune fille. Cette vue me calma un peu.

Je m’approchai de la maison. La porte d’entrée était fermée ; je frappai. Une fenêtre qui n’était pas éclairée s’ouvrit doucement à l’étage inférieur, et Gagine y passa la tête.

— Vous l’avez retrouvée ? lui demandai-je.

— Elle est revenue, me dit-il à voix basse ; elle est dans sa chambre. Tout va bien.

— Dieu soit loué ! m’écriai-je dans un accès de joie indicible, Dieu soit loué ! Maintenant tout est pour le mieux ; mais vous savez que nous avons encore à causer ensemble.

— Pas maintenant, me répondit-il en tirant la fenêtre avec précaution, dans un autre moment ; en attendant, adieu !

— À demain, lui dis-je, demain tout se décidera.

— Adieu ! répéta Gagine. Et la fenêtre se ferma.

Je fus sur le point d’aller y frapper. J’avais envie de déclarer à l’instant même à Gagine que je demandais la main de sa sœur ; mais de pareilles fiançailles, et à pareille heure… — demain, me dis-je. Demain je serai heureux…

Je serai heureux demain ! Le bonheur n’a point de lendemain ; la veille même est un mot qu’il ignore ; il n’a aucun souvenir du passé, et ne songe pas à l’avenir ; il ne connaît que le présent, et encore le présent n’est-ce point un jour, mais un instant.

Je ne sais comment je fis pour revenir à Z… Ce n’est ni sur mes jambes, ni en bateau ; j’étais emporté sur je ne sais quelles ailes larges et vigoureuses. Je passai devant un buisson où chantait un rossignol. Je m’arrêtai et î’écoutai longtemps ; il me semblait qu’il chantait mon amour et mon bonheur.


XX

En approchant le lendemain matin de la petite maison blanche, je fus frappé de plusieurs circonstances. Toutes les fenêtres étaient ouvertes, la porte d’entrée aussi ; je ne sais quels papiers traînaient sur les marches ; une domestique armée d’un balai parut à la porte.

Je m’avançai vers elle…

— Ils sont partis ! me cria-t-elle avant que je lui eusse demandé si Gagine était à la maison. .

— Partis ! répétai-je. Comment cela ? Où vont-ils ?