Page:Revue des Deux Mondes - 1858 - tome 17.djvu/552

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pour résister à trois attaques et à un siège pendant trois mois d’horribles privations. Si le nom de Mazagran brille justement dans les fastes de l’armée d’Afrique, celui de Médine doit plus justement encore illustrer l’armée du Sénégal, car ici la vaillance a dû s’allier à la patience et à la persévérance, qualités plus rares. Au bout de quelques jours, le pays était purgé des Al-Aguistes, comme on les appelle au Sénégal, et leur chef se sauvait dans des refuges inconnus. Ainsi se termina, à la gloire du drapeau français, la plus redoutable levée d’armes que le Sénégal ait vue depuis quarante ans. Parmi les victimes de ce siège, l’une des plus dignes d’un souvenir fut Mlle Marie Duranton, fille du voyageur, qui s’était réfugiée avec sa mère auprès de son oncle Sambala : elle mourut, la veille même de la délivrance, victime de souffrances et de misères,qu’aucun dévouement n’avait pu lui épargner. La postérité de Duranton ne s’éteint pas avec elle : il lui survit un frère, capitaine d’état-major dans l’armée française, appelé par sa naissance à jouer un rôle considérable dans sa patrie.

En descendant le fleuve pour rentrer à Saint-Louis, M. Faidherbe ordonna la construction d’un fort à Matam, sur la rive gauche du Sénégal, dans le double dessein de couvrir l’espace entièrement dégarni qui sépare Bakel de Podor, et de prévenir des pillages pareils à ceux que subirent les traitans en 1854. Dans ces mouvemens, tour à tour appliqués à l’attaque et à la défense, s’est achevée au Sénégal l’année 1857 : conditions douloureuses, mais transitoires, de notre domination ; les succès qui ont déjà marqué l’année 1858 permettent de le prédire.


IV. — ÉTAT ACTUEL DE LA COLONIE AU POINT DE VUE MILITAIRE. — CONDUITE A TENIR ENVERS L’ISLAMISME.

Sans insister aujourd’hui sur les traités de paix récemment conclus avec les Maures, il convient de jeter un coup d’œil général sur les progrès de notre autorité et de notre influence dans tout le bassin du Sénégal. Un tel aperçu permettra d’ailleurs de saisir dans leur ensemble les élémens si complexes d’un état social où la civilisation naissante se trouve en contact avec la barbarie sous toutes ses formes. En principe, le Oualo est devenu une province française. Des chefs fidèles obéissent à nos ordres et s’associent à nos intentions. Les cercles de Dagana et de Richard-Toll, rassurés par la protection de nos forts et le voisinage du fleuve, que nos navires montent et descendent tous les jours, familiarisés d’ailleurs de plus longue date avec nos personnes et nos mœurs, s’appliquent à réparer les désastres de la guerre : la population s’y accroît, les cultures s’y développent ;