Page:Revue des Deux Mondes - 1858 - tome 17.djvu/551

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

s’avançaient solennellement, en colonnes profondes, d’un pas ferme et mesuré, tête baissée et en silence, contrairement à la coutume des barbares. Elles accomplissaient un devoir religieux, leur avait dit leur saint prophète. Au premier rang flottait un drapeau sur lequel le croissant brillait ; les échelles suivaient, engins de siège fort inusités parmi ces peuples, et dont Al-Agui avait emprunté l’idée à d’autres pays. En approchant, une sombre exaltation sembla précipiter les assiégeans vers le fort, d’un pas rapide comme le vol de l’oiseau de proie. Quand ils furent à portée de nos canons, la mitraille fendit la colonne, les balles de fusil abattirent les plus audacieux, qui appliquaient les échelles contre les murs. Seul, l’intrépide porte-drapeau gravit jusqu’au sommet d’un bastion où il planta l’étendard de l’islam : un coup de feu le renversa mort, et l’étendard roula avec lui dans le fossé. Sur tous les points, la défense fut héroïque, et le prophète dut se retirer, l’âme remplie de honte et de colère, car la défaite l’humiliait aux yeux des siens, et ses pertes tant en hommes qu’en armes étaient grandes. Un mois après, il reparut à la tête de nouveaux renforts. Cette seconde attaque fut heureusement repoussée comme la première. Alors Al-Agui se retourna contre l’enceinte fortifiée que défendait Sambala : ses menaces et ses assauts échouèrent également. Désespérant enfin d’emporter la place de vive force, il prit le parti de la bloquer pour la prendre par la famine. Le blocus fut bientôt si étroit que toute sortie devint impossible. Au bout de plusieurs semaines, vers les premiers jours de juillet, le fort ne pouvait soutenir une quatrième attaque ; les soldats, exténués faute de nourriture, manquaient même de poudre. La population de Médine, entassée dans un étroit espace qu’infectaient des émanations insalubres, mourait de misère et de faim. L’ennemi devait soupçonner la triste réalité et méditer un prochain assaut. Dans l’attente de cet événement, Holle prit ses mesures pour faire sauter le fort, décidé à s’ensevelir sous les débris et consolé par l’espoir d’immoler avec lui une partie des vainqueurs.

Le 18 juillet, il n’y avait plus de vivres que pour quelques jours, et les heures s’écoulaient dans un morue silence, lorsque l’on entendit retentir au dehors, dans le lointain, de sourdes détonations et comme le bruit d’une vive fusillade. C’était M. le gouverneur Faidherbe. Inquiet du sort de Médine, il avait profité de la première crue des eaux pour accourir de Saint-Louis en toute hâte. La distance par le fleuve est d’environ deux cent cinquante lieues. Il arrivait à temps : l’honneur du drapeau était sauf, le courage ferme, la discipline intacte. Les troupes fraîches eurent bientôt débarrassé la place des hordes qui la bloquaient. Le gouverneur pénétra dans le fort, et, profondément ému, admira ce qu’il avait fallu d’énergie