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Pendant que les garnisons de nos postes dans le bassin supérieur du Sénégal occupaient leurs loisirs du printemps à d’utiles travaux de viabilité, elles apprirent que le prophète Al-Agui approchait de Médine à la tête de toutes ses bandes fanatiques. Il exécutait enfin les plans depuis longtemps annoncés. Y était-il amené parce que la fondation d’un état et d’une dynastie sur le Haut-Niger avait trouvé dans la résistance des populations une invincible barrière ? Il est permis de le penser, car ses projets menaçaient la liberté de ces contrées. Quoique agissant de plus loin, la politique française le gênait également, si elle ne l’ébranlait. Depuis deux ans, on coupait sur ses derrières, dans le Khasso et le Bambouk, sa ligne de retraite et de ravitaillement ; on entravait l’arrivée de ses renforts du Bondou et du Fouta ; on soutenait, on armait ses ennemis dans ces diverses contrées. La prudence commandait à l’apôtre guerrier de ne pas se laisser enfermer à Nioro, au sein d’un pays douteux, par un cercle d’hostilités et de dangers de plus en plus resserré. Cédant à ces diverses préoccupations, il avait quitté, au mois d’avril 1856, son quartier-général de Nioro pour se replier sur le Khaarta. Au commencement de l’année 1857, il traversa triomphalement le Khasso, et l’époque du rhamadan lui paraissant la plus favorable, il proclama la guerre sainte contre les chrétiens. Vers la fin d’avril, il se trouvait sous les murs de Médine, en face de notre plus fidèle allié, Sambala, et de notre poste le plus avancé. Le fort était défendu par M. Paul Holle, un Sénégalais de Saint-Louis, habitué depuis longtemps au commandement des avant-postes. C’est une mission temporaire qui, dans les localités dont le séjour est réputé insalubre pour les Européens, est confiée à des Africains signalés par leur dévouement et leurs aptitudes. À ce titre, M. Holle avait déjà commandé à Bakel et à Sénoudébou, et il apportait dans la défense de Médine, avec une intrépidité reconnue, une parfaite connaissance des hommes et des choses. La situation pouvait devenir critique. La petite garnison du fort comprenait seulement huit sous-officiers et soldats blancs et cinquante-six soldats ou matelots noirs, ceux-ci presque tous musulmans, et quelque peu ébranlés dans leur fidélité politique par leurs scrupules religieux. Puis venait une population de six mille âmes, la plupart femmes et enfans, qui, fuyant devant l’ennemi, s’étaient réfugiés dans les murs de Médine sous la protection de leur chef Sambala, foule confuse, faible, sans armes. Le commandant français devait suppléer au nombre à force d’énergie et de vigilance, heureux s’il pouvait, par un air de confiance absolue, soutenir le courage de sa petite troupe et maintenir la discipline dans la multitude !

La première attaque commença le 20 avril. Les bandes du prophète