Page:Revue des Deux Mondes - 1858 - tome 17.djvu/537

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

poursuivait ses incursions dans le Oualo, El-Habib assemble ses guerriers, leur annonce qu’il va les conduire à Saint-Louis, où il dira ses prières dans la mosquée construite par l’impartiale bienveillance des Français ; puis, joignant sans retard l’action à la parole, dès le mois d’avril il passe le fleuve, envahit le Oualo, rallie ce qu’il peut de combattans, et dirige sa marche triomphale vers l’île de Sor, qu’un simple bras du fleuve sépare de Saint-Louis, but assigné à sa course. L’héroïque bravoure d’un sergent, commandant une poignée de soldats, l’arrête au pied de la tour de Leybar, à l’entrée du pont qui unit la terre ferme à l’île de Sor. Les secours arrivent à temps, et Mohammed, refoulé de proche en proche, rentre en fuyant dans son pays, abandonnant le Oualo aux menées de son fils Eli. Au bout de six mois, tout l’intérieur de ce pays était soumis ; les Trarzas étaient rejetés sur la rive droite ; les chefs voisins, ceux du Cayor et du Djiolof, refusaient asile à nos ennemis. Des semences d’arachide, une humble graine oléagineuse appelée à un grand rôle dans les destinées de l’Afrique occidentale, étaient distribuées aux noirs, encouragés ainsi à reprendre en sécurité le cours de leurs travaux agricoles. En vue d’affermir ces succès, le poste de Dagana, situé le long du fleuve, sur la frontière du Oualo et du Fouta-Dimar, fut reconstruit, fortifié et armé.

Les Trarzas chassés, on se trouvait en face des Braknas, dont le mauvais vouloir, pour être moins agressif, n’était pas dissimulé. Leur cheikh, Mohammed-Sidi, n’avait pas cessé d’exiger des traitans des redevances, abusives, de rançonner les caravanes qui se rendaient à notre comptoir de Podor, de menacer même de leur fermer le passage à travers son territoire, si l’on ne cédait à ses volontés. À ces procédés et à ces menaces le gouverneur répondit en déclarant les hostilités ouvertes et en suspendant toutes relations commerciales au-delà des murs de Podor. En même temps il encouragea les tentatives d’un rival qui avait à nos préférences des droits incontestés : ce rival de Mohammed-Sidi était Sidi-Éli, fils de l’ancien cheikh où roi des Braknas, un allié de la France.

Pendant que ces événemens se passaient dans les provinces les moins éloignées de Saint-Louis, le Haut-Sénégal appelait une intervention plus directe. Un ferment de révolution religieuse soulevait les masses ignorantes, et la guerre sainte réveillait, par ses fanatiques imprécations, les éternels conflits des habitans entre eux et avec l’étranger. Le prophète El-Hadj-Omar en était l’apôtre et le général. Le rôle qu’il jouait n’avait du reste rien de nouveau, et déjà les gouverneurs du Sénégal avaient dû étouffer l’insurrection que fomenta, de 1830 à 1834, un prétendu prophète, comme il en surgit toujours dans les pays musulmans. Omar est né dans le Toro,