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des projets qui diminuaient sa légitime autorité et fortifiaient le parti des Maures, en leur assurant un allié puissant, des approvisionnemens faciles et un vaste champ d’excursion dans les états limitrophes du Oualo, qui tous entretenaient avec Saint-Louis un commerce régulier. En vain déclara-t-on au roi des Trarzas que son mariage avec Guimbotte serait un cas de guerre ; ce chef n’en tint aucun compte. Dès lors l’équilibre était rompu, et il fallait le rétablir par la force des armes. Des coups vigoureux et des succès éclatans préparaient ce résultat, lorsque les plaintes impatientes du commerce local, dont les spéculations étaient dérangées par la guerre, réclamèrent la paix. On eut la faiblesse de céder à ces instances : la paix fut proposée à Mohammed-el-Habib, qui l’accepta avec empressement. Les conditions en furent meilleures pour lui qu’il n’aurait pu l’espérer après la plus heureuse campagne. Les coutumes furent plus que jamais consolidées. Cependant, pour prix de toutes nos concessions, une clause favorable à nos intérêts fut introduite : El-Habib renonça de nouveau, pour lui et ses descendans, même pour ceux issus de son mariage avec Guimbotte, à toute prétention sur le Oualo. Ce traité n’a pas cessé d’être en vigueur, et c’est au mépris des clauses alors signées que le prince Éli, fils de Mohammed-el-Habib et de Guimbotte, tente encore aujourd’hui d’agiter le Oualo, où il se pose en légitime souverain. Par une autre stipulation, les Trarzas devaient s’abstenir de toute vengeance contre les gens du Oualo qui s’étaient compromis dans nos rangs. Cette condition fut si mal observée, que peu de jours après la signature du traité, nos alliés de la veille, poursuivis par la haine des Maures, furent abandonnés de nous et obligés de fuir au loin. Aussi, dans quelques-uns de nos démêlés avec les Maures, en 1843, 1848 et 1849, se mirent-ils franchement du côté de nos ennemis. Plusieurs même de leurs chefs s’associèrent à eux pour le brigandage. Ainsi furent ébranlés nos droits et notre influence.

L’anarchie, qui s’était manifestée d’abord dans le bas du fleuve, s’étendit de proche en proche sur toute la ligne de nos escales et de nos comptoirs, depuis Saint-Louis jusqu’à Bakel, situé au pays de Galam, dans le bassin supérieur du fleuve. Partout éclatait le désordre, sous toutes les formes, à tous les degrés, principalement dans le Fouta, vaste état qui occupe la rive gauche du Sénégal vers le milieu de son cours. Ici on n’avait plus affaire aux Maures, bien que les Braknas, campés vis-à-vis, sur la rive droite, eussent donné quelques sujets de plainte. Ceux-ci avaient trouvé dans les indigènes eux-mêmes de dignes adversaires. Les Maures n’étaient tolérés dans le Fouta que pour le commerce : se montraient-ils en armes, le peuple les poursuivait et les chassait. Un parti d’émigrans voulait-il se