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et la supériorité numérique. C’est chez ces derniers que se trouvent les débris de la tribu Zenaga, qui a donné son nom au Sénégal, et qui figure, dans les annales de l’Afrique septentrionale, parmi les tribus berbères les plus fameuses. Au Sénégal comme ailleurs, la race sémitique, à laquelle appartiennent les Arabes et les Berbères, se distingue, quand elle est pure de tout croisement, à l’ovale régulier et accentué de la figure, à ses yeux vifs et horizontaux, à son nez droit et aquilin, à son front haut et large, à son teint blanc, quoique basané par le soleil et le hâle, enfin à ses cheveux lisses. Ce dernier caractère est le premier qui s’altère par le croisement.

Entre les Maures et les noirs, en comprenant les Peuls parmi ces derniers, l’hostilité est éternelle comme entre la Rome antique et l’étranger. Longtemps les noirs, dominant par leur nombre et l’ancienneté de leur possession, occupèrent les deux rives du fleuve, et sur les pacages qui le bordent, les Maures, alors relégués sur la lisière du désert, ne pouvaient conduire leurs troupeaux qu’au prix d’un tribut. Cette situation durait encore au XVIIIe siècle ; mais les Maures, s’avançant de proche en proche vers le sud, fidèles à cet instinct d’expansion nomade qui les a conduits des plaines de l’Arabie au cœur de l’Afrique et de l’Asie, refoulèrent peu à peu les noirs, et un jour ils s’installèrent en maîtres sur la rive droite du Sénégal. Puis, enhardis par le succès, ils traversèrent le fleuve, et leurs incursions réitérées plongèrent dans la plus affreuse misère une population jadis heureuse et florissante. Les Français, il faut le confesser, ne furent pas innocens de cette oppression. La traite des esclaves les en rendit complices. Cet odieux trafic, aboli par la révolution, rétabli par le consulat, subsista sous l’empire et redevint, comme sous l’ancien régime, le nœud d’alliance entre les blancs et les Maures. Ceux-ci, prédisposés par leurs instincts à tous les pillages, excités par l’aiguillon du gain, se firent les fournisseurs des navires négriers, et les razzias sur les malheureux noirs du Oualo devinrent la principale source de leurs richesses. Les habitans de Saint-Louis y prêtèrent les mains avec un zèle proportionné aux bénéfices qu’ils en retiraient eux-mêmes.

À la chute de l’empire, les sentimens de philanthropie envers la race noire, que la révolution française et l’Angleterre avaient semés dans les cœurs et que la politique inscrivit dans les traités de 1815, n’auraient peut-être pas suffi à dissoudre des alliances cimentées par l’intérêt sans une circonstance qui suivit la restitution du Sénégal à la France en 1817. Le commandant et administrateur de Saint-Louis, le colonel Schmaltz, choisit l’état le plus voisin de cette ville, le Oualo, pour théâtre de ses essais de colonisation, et par des traités conclus avec les principaux chefs du pays, il acquit le droit