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et qui s’en allaient par la galerie qui nous avait amenés là. Ils parlaient bas, mais quand ils ont passé devant nous, ils ont dit :

— Est-ce que je vais encore être de faction pour garder l’Italien ? Ça m’ennuie.

— Non, tu viens avec nous au vieux château. À présent l’Italien est des nôtres.

— Ah ! qu’est-ce qu’il y a donc à faire ?

« Alors l’autre a répondu des mots que nous n’avons pas compris et que je ne pourrais pas vous redire, des mots de brigand, à ce qu’il paraît ; mais on a dit le nom de Christian Waldo à plusieurs reprises, et on a parlé aussi de l’avocat, en disant : « L’avocat, ça ne fait rien ; un avocat, ça se sauve ! »

— C’est ce que nous verrons ! s’écria M. Goefle. Et après ?

— Après, on a parlé d’un âne, d’une coupe d’or, d’une querelle à engager, c’était de plus en plus incompréhensible. Et puis ces deux hommes, qui s’étaient arrêtés pour s’expliquer, s’en allaient en disant : — C’est à huit heures, sur le lac, le rendez-vous.

— Mais s’il ne passe pas ? disait l’autre.

— Eh bien ! on ira au Stollborg ; nous aurons des ordres.

« Aussitôt que ces deux coquins ont été partis, le lieutenant nous a fait sortir de notre cachette en nous disant tout bas : « Pas un mot ici ! » Et avec précaution il nous a ramenées dans la grande galerie des chasses, en nous disant alors : « Permettez-moi de vous quitter et de courir chercher le major. » Le lieutenant avait compris l’argot de ces bandits : on devait attaquer M. Christian Waldo en l’accusant d’avoir volé quelque chose, l’emmener à la tour, le tuer même s’il se défendait, et on avait ajouté : « Ce serait le mieux ! » Le lieutenant était indigné. Il nous disait en nous quittant : « Tout cela vient peut-être de plus haut qu’on ne pense. Il y a de la politique là-dessous, il faut que Christian Waldo ait quelque secret d’état. »

— Ah ! je vous jure que non, répondit Christian, que la simplicité du lieutenant fit sourire.

— Je ne vous le demande pas, monsieur Christian, reprit l’ingénue et bonne Martina : ce que je sais, c’est que le lieutenant et le major, ainsi que le caporal Duff, ont juré de faire leur devoir et de vous protéger, quand même cela déplairait beaucoup à M. le baron ; mais ils ont pensé qu’il fallait agir avec beaucoup de prudence, et, nous recommandant le plus profond secret, ils sont partis à pied, bien armés, sans bruit, et séparément, en se donnant rendez-vous ici, afin de se cacher et de s’emparer des assassins et de leur secret. « Continuez les jeux, nous ont-ils dit, tâchez que l’on ne s’aperçoive pas de notre absence. » En effet, nous avons fait semblant de les chercher, Marguerite et moi, jusqu’au moment où l’on s’est séparé pour aller faire la toilette du soir ; mais, au lieu