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Pour clairement montrer au lecteur français quelles sont les garanties du sujet anglais en fait de sécurité et de liberté, je ne voudrais que le faire suivre pas à pas les incidens qui se passent entre le moment où Frank Eden débute comme chapelain à la geôle de *** et celui où, vaincu par les preuves qu’il a amoncelées des illégalités commises par Hawes, le home-secretary, représenté par un inspecteur détaché exprès à la prison de ***, en expulse M. Hawes, et le punit sommairement par la perte de sa place de l’arbitraire qu’il s’est permis depuis si longtemps.

C’est un véritable roman que cette guérie du chapelain et du gouverneur de la geôle, et on trouverait, parmi les élémens dramatiques ordinaires de la littérature de fiction, peu de choses plus capables de passionner le lecteur. On s’associe à la victoire remportée par M. Eden sur Hawes presque comme à une chose qui arriverait à soi-même; on en est heureux, non-seulement parce que c’est la victoire de ce qui est bien sur ce qui est mal, mais parce que cette victoire est une preuve que ce qui est le plus honnête peut aussi être le plus fort. Or l’union de la force et de la justice est une des idées qui satisfont le plus l’esprit humain, et que ses prétendus docteurs, du moins ceux de notre temps et de notre pays, se plaisent à lui présenter le moins souvent.

Frank Eden est donc à notre sens un type qu’on ferait fort bien d’étudier, si l’on veut savoir à quel point et avec quelle persistance s’incarne dans l’individu anglais ce que nous avons appelé l’indomptable volonté nationale. Quand on se sera rendu familier avec ce personnage du livre de M. Reade, on verra avec évidence quelques-unes des raisons qui font que la race saxonne est une force.

Arrivons au troisième héros de M. Reade, Tom Robinson, le voleur, le détenu, celui pour qui semble surtout fait le titre du livre : It is never too late to mend. Tom Robinson est le personnage le moins exclusivement anglais du roman. C’est l’Anglais dans lequel germe déjà le travailleur transatlantique, the possible American; c’est l’homme dont une civilisation excessive a faussé la nature, et qui ne se redresse que dans les luttes de l’existence primitive. Tom, en qui l’intelligence est très au-dessous de l’ordinaire, pressent, depuis un jour où l’état, pour une assez légère faute, lui a procuré certains loisirs en Californie, qu’il y a des pays où la société est constituée de façon qu’il puisse y trouver une place, mais que cette place, il ne la trouvera jamais en Angleterre. Dès qu’il entre en scène au premier chapitre, c’est pour prêcher l’émigration.


« Vous êtes tous ici, vous autres! dit-il à George Fielding et à son frère William ; vous ne savez même pas, par rapport au travail et à la rétribution, la valeur des termes dont vous vous servez. L’autre jour, j’ai entendu un de