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des villes à la noblesse. Ce privilège féodal devait paralyser une partie des bons résultats de l’émancipation. Il est essentiel de remarquer que la libération des paysans dans les terres de la couronne fut soumise aux mêmes principes et suivit la même marche que dans les domaines seigneuriaux. On vit disparaître ainsi toute distinction légale entre le paysan de la couronne et le paysan anciennement attaché à la glèbe d’un bien-fonds ordinaire.

La Livonie fut la dernière à proclamer l’affranchissement des paysans, bien qu’elle eût devancé les provinces limitrophes dans la réforme de la situation agraire. L’abolition du servage eut à y vaincre une résistance opiniâtre. Cependant l’exemple de la noblesse d’Oesel, celui des villes livoniennes (Riga, Dorpat et Pernau) qui possédaient des terres et qui sollicitèrent la permission d’affranchir la population agricole de leurs domaines, enfin l’énergique insistance du gouverneur-général, marquis de Paulucci, déterminèrent un vote favorable de la diète. Le nouveau statut fut revêtu de la sanction impériale en 1819 et promulgué à Riga le 6 janvier 1820. La période de transition fut réduite à huit années afin de mieux faire cadrer l’ère de liberté avec la transformation qui s’opérait dans les provinces voisines. Les trois premières années furent consacrées à l’organisation des communes, de l’administration et de la justice, la quatrième et la cinquième à l’émancipation des fermiers par sections égales, enfin la sixième et la septième à l’affranchissement du reste de la population, ouvriers et domestiques seigneuriaux, également divisés en deux sections numériquement égales. Toutefois la période de la limitation des droits s’étendit à six années à partir de l’affranchissement pour toute la population. Les paysans ne pouvaient quitter le territoire de la paroisse durant les trois premières années, ni le territoire de l’arrondissement durant les trois années suivantes, et ce n’est qu’après l’application générale du régime définitif qu’ils obtenaient la faculté de s’établir dans les villes.

Près d’un demi-siècle s’est écoulé depuis que les trois statuts de 1816, 1817 et 1819 ont prononcé la libération des serfs dans les provinces de la Baltique; il est donc possible d’apprécier les mesures adoptées et les résultats obtenus. Sauf des nuances d’exécution, le principe admis a été partout le même : les liens de la servitude personnelle ont été brisés; mais nous devons ajouter que le serf, en cessant d’être attaché à la glèbe seigneuriale, n’a pas obtenu la faculté de sortir des limites de la province à laquelle il appartenait : la liberté n’est pas complète. Des paysans placés sous la loi des conventions libres croyaient pouvoir tirer meilleur parti de leur travail en se transportant dans d’autres régions de l’empire ; ce droit leur fut refusé, ce qui provoqua un vif mécontentement, sur-