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dée, en 1811, à prendre l’initiative de l’affranchissement, dont elle avait fixé ainsi les conditions[1] : le sol devait demeurer au seigneur en pleine et entière propriété; la classe des paysans devait recevoir une organisation spéciale; ceux-ci, en cessant d’être attachés à la glèbe, devaient demeurer provisoirement dans les limites de la province; ils obtenaient les mêmes droits civils que les autres classes libres de la population de l’empire. Ces bases préliminaires furent approuvées, mais l’époque des grandes guerres retarda jusqu’en 1815 l’adoption du projet par le landtag. Porté ensuite au conseil de l’empire, il fut revêtu, le 16 mai 1816, de la sanction impériale et solennellement promulgué à Revel le 8 janvier 1817. Le soin de veiller à la mise en vigueur de la loi nouvelle fut confié à un comité spécial formé de membres délégués en partie par les principales administrations locales, en partie par la noblesse. Ce comité n’a pas encore cessé d’exister.

Le statut ou règlement de 1816 fut rédigé en allemand, traduit en russe et en esthonien, sanctionné d’après le texte russe, et enfin publié dans les trois langues. Ce premier essai de code agraire vise à des mesures d’ensemble; il répond à la pensée que l’émancipation des paysans ne saurait être une disposition isolée, et qu’elle amène nécessairement la révision de l’organisation civile et administrative. Il présente en effet, outre les prescriptions législatives à l’égard des communes et des autorités ou tribunaux avec lesquels les communes se trouvent en rapport direct, un abrégé de code civil et de code de procédure civile adaptés aux besoins de la classe rurale, un règlement de police rurale, et des dispositions en matière de procédure et de peines correctionnelles. La servitude personnelle est abolie; la noblesse renonce à tous les droits qui en dérivaient, et ne se réserve que la propriété du sol. On rencontre dans ce principe fondamental comme un reflet de la grande distinction de la féodalité dominante et de la féodalité contractante, sur laquelle Merlin fit reposer la rénovation de la constitution territoriale de la France. Seulement les conséquences ne sont pas les mêmes : nos lois ont voulu que le territoire fût libre comme les personnes qui l’habitent; elles ont effacé toute différence résultant de la condition des personnes, et maintenu d’une manière invariable les doctrines d’unité et d’égalité civile. La féodalité allemande, implantée dans les provinces baltiques, ne devait point s’accommoder de cette simplicité de règles et de cette uniformité de droits.

Les rapports mutuels du paysan et du propriétaire foncier de-

  1. On en reconnaîtra facilement l’analogie avec plusieurs des dispositions du rescrit impérial qui vient de provoquer une pareille mesure pour toute la Russie.