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fautes. C’est là un titre d’honneur imprescriptible aux yeux de la postérité; tout homme qui tient une plume doit particulièrement lui en tenir compte, et ce serait se montrer indigne du nom d’écrivain que de traiter sans respect un gouvernement qui a respecté la liberté d’écrire.

Entrons maintenant dans le champ clos où se débattent la charte et le code pénal, le principe de la liberté des cultes et le régime de l’autorisation préalable. En 1836, M. Oster, ministre protestant, était venu s’établir à Metz, et réunissait ses coreligionnaires chez lui tous les dimanches. Au bout d’un mois environ, l’autorité municipale signifie à M. Oster que ces réunions ne peuvent avoir lieu sans sa permission, que cette permission, elle la refuse, et des poursuites sont intentées contre le délinquant. Un jugement qui avait déclaré les articles 291 et 294 du code inapplicables au régime des cultes, et abrogés dans ce sens par l’article 5 de la charte, est cassé par un arrêt de la cour de Metz, qui établit la doctrine contraire. L’affaire vient à la cour de cassation. Écoutons le réquisitoire du procureur-général de cette époque, M. Dupin : « Le gouvernement doit égale protection à chaque culte; c’est pour lui un devoir absolu : ce droit et ce devoir sont incompatibles avec l’autorisation préalable exigée par l’article 291. » Voilà qui est clair; reste l’article 294, qui exige la permission de l’autorité municipale pour l’usage du local qu’on destine à une réunion périodique. En faisant emploi de cet article contre M. Oster, le maire de Metz avait invoqué l’argument le plus ordinaire et le plus commode en pareille circonstance, ce même argument qu’on invoquait hier encore dans le département de la Sarthe, à savoir : les inquiétudes que les diverses publications de M. Oster avaient jetées parmi la population de la ville. M. Dupin trouve avec raison cet argument détestable. « Les cultes, dit-il avec une éloquente énergie, n’ont pas le droit de se déplaire ; ils sont obligés de se souffrir, et celui qui réclamerait serait intolérant, s’il obtenait le fruit de sa persécution et de sa domination. » D’accord; mais l’article 294 a-t-il subi dans l’opinion de M. Dupin le sort de l’article 291 ? Est-il abrogé par l’article 5 de la charte, ou bien l’application, bonne ou mauvaise, qu’en a faite le maire est-elle légale? L’article 294 subsiste, et l’application en est légale, répond M. Dupin. « Le maire a usé de son droit, fort mal en fait, si l’on veut, mais dans la compétence accordée à l’autorité municipale par l’article 294. S’il y a contravention à sa défense, l’autorité judiciaire peut-elle refuser son appui à la sanction pénale?... Les motifs donnés par le maire sont mauvais, déplorables, inexplicables; mais l’autorité judiciaire en France est-elle compétente pour infirmer cette décision? » M. Dupin ne le pense