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de tenter ouvertement les populations à quitter leurs pasteurs pour vous croire et pour vous suivre, d’élever en nombre infini, et sans en demander la permission ni en rendre compte à personne, des temples et des écoles, de réunir pour cette œuvre des auxiliaires et des secours venus de toutes les parties du monde et de les employer à la face du ciel; vous ne rencontrerez enfin d’autres limites dans vos entreprises religieuses que la dureté des cœurs, l’obscurcissement des esprits ou l’épuisement de vos ressources et de votre courage. Dans le second de ces pays au contraire, votre foi ne sera un empêchement à l’ambition de personne, et ne sera incompatible en principe avec aucune des fonctions de l’état; mais il vous sera interdit de la répandre sans l’aveu préalable du pouvoir pour chacune de vos entreprises, sans sa reconnaissance officielle de chacun de vos progrès. Vous dépendrez, en ce qui concerne la plus modeste prédication de vos doctrines et la plus légère extension de votre culte, non-seulement de l’autorité supérieure et centrale, mais des plus humbles représentans de cette autorité, dispersés sur un vaste territoire. L’administration décidera en premier et en dernier ressort de l’opportunité et de la validité de vos conquêtes spirituelles. Si vous en appelez de sa décision à la justice, celle-ci ne pourra légalement que constater et confirmer l’arrêt dont vous aura frappé l’administration. La diffusion de vos livres sera soumise au même contrôle que la prédication de votre foi, que l’érection de vos temples et de vos écoles; le même aveu préalable de l’administration leur sera nécessaire, et ils pourront être sommairement bannis du territoire, si l’on juge qu’ils rappellent les débats d’un autre âge et qu’ils sont au-dessous de nos lumières. — dans lequel de ces deux pays aimerez-vous le mieux professer et répandre vos croyances? dans lequel vous estimerez-vous le plus libre?

Nous avons hâte de le dire : le tableau que nous venons de tracer de la liberté religieuse en France eût été aussi vrai il y a dix et vingt ans qu’aujourd’hui, et il serait souverainement injuste de faire particulièrement peser sur le régime actuel la responsabilité d’une situation légale qu’il n’a point créée, de traditions administratives qu’il n’a fait que suivre. Sous tous les régimes qui se sont succédé depuis la révolution française, nous avons entendu la liberté des cultes comme la plupart de nos autres libertés; nous n’avons cessé d’en proclamer le principe et d’en rendre l’usage difficile et précaire. Tous les actes dont les minorités dissidentes ont pu avoir à souffrir dans ces dernières années ont eu leur précédent sous les gouvernemens antérieurs; les mêmes plaintes qui se sont récemment fait jour dans la presse étrangère s’exhalaient jadis dans la presse française et à la tribune nationale, et alors même elles n’a-