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Christian, dirigé par Stenson, ouvrit la boiserie et tira ensuite un rideau de cuir doré, derrière lequel il vit un autel de marbre blanc en forme de sarcophage. Et comme Stenson, fort ému, s’était agenouillé : — Êtes-vous donc catholique aussi, mon ami ? lui dit-il.

Stenson secoua la tête négativement, mais sans paraître offensé de ce doute ; des larmes coulaient lentement sur ses joues blêmes.

— Stenson ! s’écria Christian, ma mère repose là ! Cet autel est devenu sa tombe !

— Oui, dit le vieillard, étouffé par les sanglots ; c’est Karine qui l’a ensevelie dans sa robe blanche et couronnée de verdure de cyprès, car ce n’était pas la saison des fleurs. Nous l’avons mise dans un coffre rempli d’aromates, et le coffre, nous l’avons déposé dans ce sépulcre sans tache, qui est comme une représentation de celui du Christ. Je l’ai scellé moi-même, et ensuite j’ai muré la chambre, pour que la tombe de la victime ne fût point profanée. Votre ennemi n’a jamais su pourquoi je tenais à supprimer la porte. Il a cru que j’avais peur des revenans. Il a cru que, d’après son ordre et le refus du ministre d’inhumer religieusement une païenne, j’avais jeté la nuit ce pauvre corps au fond du lac ; mais, quoi qu’en ait pu dire le ministre Mickelson, ce corps était celui d’une sainte. Quel que fût son culte, la baronne aimait Dieu, faisait le bien, et respectait la religion des autres. Elle est au ciel et prie pour nous, et son âme se réjouit de voir son fils où il est, et tel qu’il est maintenant.

— Ah ! dit Christian, le bonheur n’est donc pas de ce monde, car je l’aurais rendue heureuse, et elle n’est plus !

Christian baisa le tombeau avec respect et avec foi, et, l’ayant renfermé derrière le rideau et le panneau de boiserie, il redescendit avec Stenson dans la salle de l’ourse. Là, Stenson lui dit : — Je ne sais pas s’il vous faudra beaucoup de peine et de temps pour faire reconnaître vos droits ; mais autorisez-moi à faire rétablir la cloison de cette chambre. Dès que vous serez le maître, nous transporterons la tombe dans la chapelle du château neuf.

— La tombe de ma mère à côté de celle où l’on va déposer le baron Olaüs ! Non, non, jamais ! Puisque la Suède lui a refusé un coin de terre pour abriter ses os, après lui avoir refusé l’air et la liberté, j’emporterai sous un ciel plus clément ses précieux restes. Riche ou pauvre, je saurai bien me procurer de quoi retourner avec cette relique au bord du lac d’Italie où repose mon autre mère, celle qui a exaucé son dernier vœu, et qui, bien malheureuse aussi, hélas ! a eu du moins un fils pour lui fermer les yeux.

— Agissez avec calme et prudence, répondit Stenson, ou bien vos droits seront méconnus. Vous ferez un jour votre volonté, mais à présent laissez ignorer, même à vos meilleurs amis, même au digne