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siéger à la diète, ni occuper aucun emploi, peut hériter d’un domaine qui comporte tous les priviléges de la noblesse.

— Taisez-vous, Christian, taisez-vous ! disait tout bas M. Goefle en retenant de force Christian, qui voulait suivre dehors ses adversaires et les braver en face. Restez ici, ou tout est perdu ! Soyez dissident, si bon vous semble, quand vous aurez hérité ; mais à présent, ne levez pas ce lièvre. Personne n’a remarqué que la chambre où nous sommes est redevenue carrée !

— Que voulez-vous dire ? demanda le major à M. Goefle ; on pourrait ouvrir à tout le monde la chambre murée, puisque la prétendue chapelle n’existe pas !

— Sans doute, si nous ne l’eussions point ouverte, répondit M. Goefle, auquel cas on n’eût pas pu nous accuser d’en avoir fait disparaître les signes du culte prohibé.

La comtesse d’Elvéda s’approcha alors de Christian, et lui dit de son air le plus gracieux : — À présent j’espère, monsieur le baron, que j’aurai le plaisir de vous revoir à Stockholm…

— Sera-ce encore à la condition, répondit-il, que je partirai pour la Russie ?

— Non, reprit-elle, je laisse votre cœur libre de choisir l’objet de ses vœux.

— La comtesse Marguerite vous accompagne-t-elle à Stockholm ? dit Christian à voix basse.

— Elle y viendra peut-être quand vous aurez gagné votre procès, si procès il y a. En attendant, elle retourne à son château. C’est décidé, la prudence le veut, et je vous offre toujours une place dans mon traîneau pour vous rendre à Stockholm, où vos affaires vont se décider.

— Je vous en remercie, madame la comtesse, je suis dans l’entière dépendance de mon avocat, qui a encore besoin de moi ici.

— À revoir donc, répliqua la comtesse, prenant le bras de l’ambassadeur, qui lui dit en sortant : — J’aime bien autant que ce beau jeune baron ne voyage pas avec vous !

Marguerite fit ses adieux à sa tante à la porte du Stollborg, et partit avec sa gouvernante et la famille Akerström pour le bostœlle du ministre, où elle devait prendre du repos avant de songer au départ. Elle n’échangea pas un mot ni même un regard avec Christian ; mais il n’en fut pas moins convenu tacitement entre eux qu’elle ne quitterait pas le pays sans qu’ils se fussent revus.

Le major retourna avec sa troupe et ses prisonniers au château neuf, où il devait attendre l’arrivée d’ordres supérieurs pour continuer ou déposer l’exercice de son autorité. Le danneman et sa famille retournèrent dans leur montagne, sans que Karine eût voulu