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aveux. Puffo avoua plus franchement qu’on l’avait chargé de mettre la coupe d’or dans le bagage de son maître, et que pour ce fait il avait reçu de l’argent de M. Johan.

— À présent, dit l’avare et orgueilleux baron de Lindenwald, qui était le cousin le plus proche du défunt, nous ne demandons pas mieux que de signer le procès-verbal de tout ce que nous venons d’entendre sur le compte de M. Johan, si l’on veut bien nous tenir quittes de juger la conduite et les intentions du baron, son maître. Il y a quelque chose de barbare et d’impie à instruire ici le procès d’un homme qui n’est pas encore descendu dans la tombe, et qui, couché sur son lit de mort, ne peut plus répondre aux accusations. À mon avis, messieurs, c’est trop tard ou trop tôt, et nous devons refuser d’en entendre davantage. Que nous importe l’individu qui prend de telles précautions pour assurer sa vengeance devant les tribunaux contre des valets dont personne ne se soucie, et contre la mémoire d’un homme que chacun ici, j’espère, est libre d’apprécier intérieurement, sans être appelé à le maudire en public ? On nous avait parlé d’un testament dont il n’est plus question, et, comme il est aisé de voir qu’on a voulu nous mystifier, je suis, quant à moi, résolu à me retirer et à ne pas m’incliner devant les usurpations de pouvoir d’un petit officier de l’indelta. Je ne suis pas le seul ici dont les priviléges soient méconnus en cet instant, et quand de pareilles choses arrivent, vous savez aussi bien que moi, messieurs, ce qu’il nous reste à faire.

En achevant sa phrase, le baron de Lindenwald mit la main sur la garde de son épée, et, les autres héritiers suivant son exemple, un combat allait s’engager, lorsque le ministre, avec une grande vigueur de parole et de fierté ecclésiastique, s’interposa en invoquant l’appui des personnes désintéressées et loyales, lesquelles, par leur attitude et leurs réflexions, condamnèrent tellement la tentative du baron, que les récalcitrans se soumirent et dispensèrent le major du devoir pénible de sévir contre eux.

Il devenait bien évident pour lui et pour tous les témoins de cette scène que les héritiers se refusaient à connaître les motifs de haine du baron contre Christian, parce qu’ils pressentaient la vérité. M. Goefle l’avait fait placer, sans affectation, au-dessous du portrait de son père, et la ressemblance frappait déjà tous les regards ; mais il n’y avait pas assez de sarcasmes dans la langue suédoise pour exhaler l’aversion des présomptueux contre le bateleur que Johan avait dénoncé, et que M. Goefle (dont il était le bâtard) voulait produire à l’aide d’un roman invraisemblable et de preuves fabriquées.

M. Goefle resta impassible et souriant. Christian eut un peu plus