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fluences abusives, si elles s’aidaient d’une pression gouvernementale, et de porter leur choix sur un candidat national et populaire. Quoi qu’il arrive, cette fin des travaux de la conférence est du moins pour la politique française un succès partiel. Les informations manquent encore pour apprécier un triomphe plus nouveau et plus vaste, celui que nous avons obtenu de concert avec les Anglais en forçant l’entrée de la Chine. Ce résultat est dû à l’initiative hardie qu’ont su prendre les chefs des missions anglaise et française en se présentant à l’embouchure du Peï-ho et en remontant ce fleuve vers Pékin. Le dessein conçu plusieurs mois avant l’exécution par lord Elgin a été quelque temps combattu et ralenti par l’amiral anglais, étonné, dit-on, de l’audace d’une telle entreprise. Sans ces lenteurs, le succès auquel applaudissent en ce moment les espérances des nations civilisées eût été plus prompt encore. Cette conclusion de l’expédition de Chine, il nous sera permis de le rappeler, est la confirmation éclatante des prévisions qui furent exprimées sur "la question chinoise" dans la "Revue", dès l’origine de l’expédition, par une plume si éloquente et si française.

La politique espagnole procède trop souvent par soubresauts, et passe d’une crise à un véritable état de stagnation, pour recommencer toujours. Il y a deux mois, elle se transformait tout à coup par la chute du ministère Isturiz et par l’avènement du cabinet du général O’Donnell; aujourd’hui une halte s’est faite, tout est en suspens. La reine voyage dans les Asturies; la moitié du monde politique est sur les chemins. Ce n’est qu’en se retrouvant réuni tout entier à Madrid avec la reine, ce qui est maintenant très prochain, que le cabinet va pouvoir délibérer sur quelques mesures d’une importance particulière. Les principales de ces mesures sont vraisemblablement celles qui touchent à l’existence du congrès et au régime de la presse. A vrai dire, en attendant la décision du gouvernement, ces questions sont implicitement résolues dans l’opinion. Celle de la dissolution du congrès l’était par la rectification des listes d’élection. Déjà l’agitation électorale a commencé, des comités se forment pour soutenir la lutte, toutes les candidatures sont en mouvement. Avant même que la dissolution soit prononcée, tout se prépare pour le scrutin. Quant à la presse, si elle ne jouit pas légalement des bénéfices d’un régime plus doux, elle pratique du moins en fait une liberté très suffisante par une sorte d’abrogation tacite ou de suspension de l’ancienne loi. La presse espagnole est moins connue qu’elle ne devrait l’être; elle est certainement supérieure à celle de beaucoup d’autres pays. La "Epoca" pour l’abondance de ses informations, la "Espana" pour la fermeté avec laquelle elle soutient les doctrines de l’ancien parti conservateur, l’"Estado" pour l’esprit et la verve mordante de sa polémique, tous ces journaux et bien d’autres offrent de l’intérêt. Or ce qui est un des faits principaux du moment, c’est que la plupart des journaux modérés dirigent une guerre implacable contre le général O’Donnell. Ils rappellent de la façon la plus acerbe au président du conseil les contradictions de son passé, ses soulèvemens divers, ses velléités ambitieuses; ils lui reprochent surtout de dissoudre le parti conservateur dans un intérêt tout personnel. Les modérés espagnols ne remarquent pas que s’ils ont perdu le pouvoir, c’est la faute de leurs divisions et non la faute du général O’Donnell. Depuis deux ans, trois