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libertés publiques et aux discussions parlementaires; de là l’horreur puérile qu’on professe contre elles. Nous ne pensons pas que la sagacité politique de M. de Persigny se laisse longtemps amuser et tromper par une telle illusion.

Le gouvernement n’a-t-il pas tiré lui-même profit, dans une circonstance récente, des opinions manifestées par la presse avec une liberté convaincue et modérée? Nous faisons allusion à la question des biens des hospices. Si la presse était restée silencieuse devant la circulaire de M. Le général Espinasse, qui sait si le zèle des préfets n’eût, par l’exécution trop littérale de la circulaire ministérielle, suscité au gouvernement des difficultés regrettables? La manifestation spontanée dans la presse des craintes inspirées par ce document a suffi pour avertir le gouvernement, et lui a permis d’expliquer en temps utile des conseils qui couraient risque d’être mal compris, parce qu’ils avaient été mal exprimés. On nous rendra cette justice, que, pour notre part, nous ne nous étions point abusés sur les intentions réelles du gouvernement dans cette question des biens des hospices. Nous nous étions refusés à croire que le ministre voulût contraindre les hospices à convertir immédiatement en fonds publics les 500 millions de propriétés qu’ils possèdent. Une pareille interprétation était une absurdité gratuitement prêtée à l’administration de l’intérieur. Il était évident que la conversion ne pouvait être conseillée que pour les propriétés mal exploitées, et dont le revenu annuel ne correspondait point à la valeur vénale qu’une aliénation immédiate permettrait d’en obtenir. Ainsi définie, l’exhortation ministérielle se réduisait à un conseil de bonne administration et méritait l’approbation générale. C’est dans ces limites que le nouveau ministre de l’intérieur, M. Delangle, vient d’exposer la pensée du gouvernement dans une circulaire écrite avec le sens pratique et la clarté rassurante qu’on devait attendre de lui.

Il nous est malheureusement impossible d’accorder les mêmes éloges à la circulaire d’un préfet relative à la distribution des bibles protestantes. Cette lettre, adressée aux sous-préfets, maires, juges de paix, commandans de la gendarmerie et commissaires de police du département de la Sarthe, exclut du colportage les bibles protestantes, « lors même qu’elles seraient revêtues de l’estampille. » Les bibles protestantes, suivant la circulaire, doivent, dans les départemens où une faible partie de la population professe les cultes réformés, être assimilées à des écrits contraires aux dogmes de la majorité, et par conséquent de nature à causer une certaine irritation. Le préfet place ces avertissemens sous l’autorité des instructions ministérielles. Nous aimerions à penser que les instructions ministérielles ont été mal comprises. Plusieurs détails nous choquent dans ce document préfectoral, qu’il nous paraît difficile de concilier non-seulement avec la liberté religieuse, qui est inscrite dans nos lois, mais avec le respect dû au christianisme. Il est déjà triste d’apprendre que les saintes Écritures ont besoin de l’estampille bleue pour passer des mains de la charité religieuse aux mains et au cœur du pauvre. Il serait curieux de savoir ce que l’on entend par tt une faible partie de la population, » et de connaître exactement le rapport numérique des réformés aux catholiques qui établit pour la sainte Bible le droit de distribution au sein d’un département français; mais nous passons