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admettre qu’il y ait deux espèces corporelles, l’une prenant l’état solide, liquide, gazeux, soumise aux lois de l’attraction universelle, l’autre soustraite à ces lois, et pourtant capable de communiquer ses vibrations propres aux molécules ordinaires ? Quand on voit les phénomènes optiques et calorifiques se plier avec une docilité si surprenante aux plus légères variations dans la texture des corps, ne vient-il pas assez naturellement à la pensée que les molécules elles-mêmes, sans l’intermédiaire supposé d’un éther, peuvent recevoir et communiquer les mouvemens auxquels nous attribuons ces phénomènes ?

Une objection, il est vrai, surgit aussitôt. Il faut expliquer comment la chaleur et la lumière, dont le soleil est le foyer, se propagent jusqu’à la terre et aux planètes. Comment le vide interplanétaire peut-il transmettre les mouvemens qui ébranlent les molécules terrestres ? À cela on peut répondre, avec M. Grove, que nous ne connaissons véritablement pas de vide absolu ; celui de nos baromètres, à supposer qu’il ne contînt pas la moindre trace d’air, renferme pourtant, nous le savons aujourd’hui, un peu de vapeur mercurielle. Le vide céleste est sans doute rempli par une matière très atténuée. Les anciens étaient habitués à considérer l’état solide ou liquide comme le caractère même de la matérialité ; ils rangeaient, ainsi que leurs langues en portent la trace évidente, les substances gazeuses parmi les substances spirituelles. En démontrant par les premières expériences barométriques que l’air est pesant aussi bien que les corps solides, Torricelli fit rentrer tout ce qui est à l’état gazeux dans la matière ordinaire : il faudra peut-être que nous renoncions un jour nous-mêmes à voir dans l’état gazeux le dernier terme d’expansion de la matière. La substance qui enveloppe les comètes, et qu’elles entraînent dans leurs orbites, ne peut être comparée à rien de ce que nous connaissons ; elle se laisse traverser sur des distances incommensurables, et sans paraître les affaiblir, par les rayons que nous envoient les étoiles d’une très faible grandeur : une pareille matière, dégagée du noyau auquel elle reste attachée et sert d’auréole, cesserait évidemment de nous être perceptible. Les puissans télescopes modernes ont beau décomposer en étoiles séparées les nébuleuses qu’autrefois l’on croyait formées par une matière lumineuse diffuse : ils en découvrent incessamment d’autres qui demeurent irréductibles. Dans notre système planétaire même, la lumière zodiacale ne nous offre-t-elle pas une matière cosmique où l’on ne peut découvrir rien qui ressemble à des étoiles? Au-delà en quelque sorte de l’état gazeux, on peut admettre qu’il y ait d’autres états de la matière : le vide interplanétaire serait le dernier terme d’une série