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donc pas une influence absolue sur les phénomènes physiques : des atomes chimiquement identiques, mais agrégés différemment, agissent en réalité comme s’ils étaient dissemblables.

Nous pourrions montrer encore, par de nombreux exemples, comment la texture moléculaire se reflète dans les propriétés des corps : réciproquement, les phénomènes physiques ont pour effet de modifier d’une manière transitoire, ou même définitive, la disposition des particules matérielles. Quand on fait passer un courant électrique dans un fil de cuivre enroulé autour d’un barreau d’acier, celui-ci se transforme en aimant. Faraday a fait voir qu’en modifiant l’orientation des molécules, l’aimantation peut altérer la régularité de certains phénomènes lumineux et imprimer par exemple une rotation aux rayons polarisés. MM. Wertheim, Peltier, Dufour, ont montré comment le passage continu d’un courant change à la longue l’élasticité des métaux. On vient de découvrir tout récemment qu’à l’intérieur des câbles télégraphiques sous-marins, les fils de cuivre se déchirent en une infinité de petits tronçons, quand l’électricité qui les traverse est toujours du même signe. Le magnétisme et l’électricité modifient la facilité avec laquelle les métaux conduisent la chaleur. La chimie, par une foule d’exemples, nous montre comment les affinités des diverses substances obéissent aux conditions électriques où elles se trouvent placées. C’est ainsi qu’on explique pourquoi l’identité de composition n’implique pas toujours dans les corps l’identité des propriétés physiques et chimiques. On donne aux substances qui jouissent de cette singulière variabilité de caractères, jointe à l’unité de composition, le nom d’isomères. Les corps simples eux-mêmes en fournissent des exemples : M. Berthelot a démontré récemment avec beaucoup de précision que le soufre peut exister à deux états, et présenter des caractères chimiques tout différens, suivant les conditions électriques où il est mis en liberté et se dégage de ses combinaisons. L’ozone, dont on fait aujourd’hui tant de bruit, n’est que de l’oxygène électrisé ; on ne pourrait citer un cas d’isomérie plus remarquable ni mieux fait pour mettre en lumière l’intime connexion des propriétés des corps et de l’état électrique.

Tout se tient dans l’ensemble complexe des caractères physiques et chimiques des corps. Des liens ou visibles ou cachés unissent toutes les parties de la nature vivante aussi bien qu’animée. Un grand nombre de ces rapports échappe à notre ignorance. Il en est d’autres que nous commençons à peine à soupçonner. L’action des phénomènes physiques sur le monde organique ne nous est-elle pas encore à peu près inconnue ? Quelques faits isolés peuvent bien nous en faire soupçonner l’importance : — l’influence de la lumière sur