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fait voir depuis que ce rapport est lié intimement au mode d’agrégation même des molécules.

Tous les travaux de la physique moderne tendent d’ailleurs à faire ressortir, avec une évidence de plus en plus irrésistible, l’influence que la constitution moléculaire des corps exerce sur les phénomènes physiques. Les cristaux, dont la structure intime est révélée par leurs formes géométriques régulières, nous offrent de précieux avantages pour l’étude de ces curieuses relations. Les expériences de M. de Sénarmont en France et de M. Knoblauch en Allemagne ont fait voir que la chaleur ne se meut pas avec la même vitesse dans toutes les directions à l’intérieur des corps cristallisés : elle s’y propage suivant des lois où ressort de la manière la plus frappante l’influence des forces qui ont présidé au groupement même des molécules. On sait depuis longtemps qu’il en est de même pour la lumière ; Huyghens avait déjà tracé pour certains cas, avec une parfaite exactitude, la marche des rayons lumineux à l’intérieur des cristaux qui doublent l’image des objets, et que, pour ce motif, on nomme biréfringens. C’est à Fresnel cependant qu’on doit les études les plus admirables sur ce beau sujet, qu’il a, on peut le dire, entièrement épuisé. Un autre ordre de phénomènes, qu’on connaît en physique sous le nom de polarisation, a fourni au doyen de la physique et de l’astronomie française, à M. Biot, un moyen de faire ressortir des rapports saisissans entre les lois de la propagation de la lumière et les plus légères singularités de la texture cristalline dans les corps qu’elle traverse. Chose plus étonnante, il n’est même point nécessaire que les corps soient à l’état solide ; ils présentent déjà, liquides, les propriétés dont ils doivent jouir une fois cristallisés : c’est ce qu’a récemment découvert un de nos plus habiles chimistes, M. Pasteur, et après lui il faut nommer aussi M. Marbach de Breslau. Les expériences de M. Pasteur montrent que, malgré la liberté de leurs mouvemens, les molécules liquides possèdent déjà une partie des caractères que le passage à l’état solide et la cristallisation ne font qu’y fixer d’une manière définitive. Par leur extrême délicatesse, les expériences d’optique pouvaient seules se prêter à la découverte d’aussi étranges phénomènes, qui nous font pénétrer en quelque sorte sous le voile même dont la nature enveloppe ses opérations les plus cachées. Combien n’est-il pas singulier de voir, par exemple, deux morceaux de cristal de roche, absolument identiques quant à leur composition, faire pourtant dévier, l’un à droite, l’autre à gauche, les rayons lumineux polarisés, et de trouver la raison de ces propriétés contrastantes dans la position de certaines facettes remarquables, où se trahit une opposition dans le groupement moléculaire des deux cristaux! La nature propre ou chimique des atomes n’a