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de fleurs. Je vois les fées toutes blanches, couronnées de saule et de lilas, qui dansent là-bas sur la mousse argentée de rosée. L’enfant est au milieu d’elles, l’enfant du lac, plus beau que le matin.

« Voilà le soleil au plus haut du ciel. Les oiseaux se taisent, les moucherons bourdonnent dans une poussière d’or. Les fées sont entrées dans un bosquet d’azalées pour trouver la fraîcheur au bord du stream. L’enfant sommeille sur leurs genoux, l’enfant du lac, plus beau que le jour.

« Voilà le soleil qui se couche. Le rossignol chante à l’étoile de diamant qui se mire dans les eaux. Les fées sont assises au bas du ciel, sur l’escalier de cristal rose ; elles chantent pour bercer l’enfant qui sourit dans son nid de duvet, l’enfant du lac, plus beau que l’étoile du soir. »

C’était encore la voix des galets qu’entendait Christian, mais plus douce qu’il ne l’avait encore entendue, et chantant cette fois, sur un air agréablement mélodieux, des paroles correctes. Ceci était une chanson moderne que la sibylle pouvait avoir comprise et retenue exactement. C’est en vain cependant que Christian essaya de voir une figure humaine. Il ne voyait même pas le cheval qui le conduisait, ou qui, pour mieux dire, ne le conduisait plus, car le traîneau restait immobile, et Olof n’était plus là. Loin de songer à s’inquiéter de sa situation, Christian écouta jusqu’au bout les trois couplets. Le premier lui parut chanté à quelques pas derrière lui, le second plus près, et le troisième plus loin, en se perdant peu à peu en avant du lieu où il se trouvait.

Le jeune homme avait failli s’élancer hors du traîneau pour saisir au passage la chanteuse invisible ; mais, au moment de poser le pied à terre, il n’avait trouvé que le vide, et l’instinct de la conservation lui étant revenu avec les suaves paroles de la chanson, il avait allongé les mains pour savoir où il était. Il sentit la croupe humide du cheval et appela Olof à voix basse à plusieurs reprises, sans recevoir de réponse. Alors, comme il lui sembla que la chanteuse s’éloignait, il l’appela aussi en lui donnant le nom de Vala Karina, mais elle ne l’entendit pas ou ne voulut pas répondre. Il se décida alors à sortir du traîneau par le côté opposé à celui qu’il avait tâté d’abord, et se trouva sur le chemin rapide, qu’il explora pendant une vingtaine de pas, appelant toujours Olof avec une vive inquiétude. Pendant le court sommeil de Christian, l’enfant avait-il roulé dans le précipice ? Enfin il vit poindre, dans le brouillard, un imperceptible point lumineux qui venait à sa rencontre, et bientôt il reconnut Olof portant une lanterne allumée.

— C’est vous, herr Christian ? dit l’enfant effrayé en se trouvant face à face avec lui tout à coup, sans l’avoir entendu approcher. Vous êtes sorti du traîneau sans voir clair, et vous avez eu tort ;