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ÉCONOMISTES
CONTEMPORAINS

FRÉDÉRIC BASTIAT.


Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, revues et annotées d’après ses manuscrits,
par MM. Paillottet et R. de Fontenay, Paris 1858[1].



Il n’est point de tâche plus douce que d’avoir à raconter la vie et à juger les œuvres d’un honnête homme, d’un de ces hommes chez qui le caractère est resté en complet accord avec le talent, et qui, après avoir choisi leur route, se sont fait un devoir de n’en jamais dévier. À ce titre, un nom justement cher à tous les défenseurs des saines doctrines économiques mérite l’attention et commande l’estime. Dans le cours d’une vie trop tôt brisée, Frédéric Bastiat a eu ce mérite, assez rare, de ne pas se donner de démenti, de demeurer jusqu’au bout fidèle à des croyances très contestées, de les défendre avec un courage égal à son désintéressement, et de montrer dans cette lutte un fonds de sincérité, de simplicité, qui désarmait ses adversaires. On lui a attribué après coup des ambitions qu’il n’avait pas ; on a voulu faire de Bastiat un chef d’école, un réformateur : sa modestie eût repoussé des prétentions si grandes. D’ailleurs, à en juger par les travaux qu’il nous laisse, des qualités essentielles lui eussent manqué. Il n’avait ni l’esprit de méthode, ni la sobriété, ni la justesse qui distinguent l’enseignement des maîtres ; il était plus ingénieux que solide, cédait trop à sa verve, et ne savait pas assez se défendre des emportemens de la compo-

  1. 6 vol. in-8o, Guillaumin et Cie.