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des épreuves sans cesse renouvelées, qui lui rendent la force initiale qu’il a perdue, ou qui lui donnent celle qui n’a jamais été en lui.

Un argument bien puissant, celui des faits, vient à l’appui de ces considérations psychologiques. Le président des directeurs des prisons irlandaises, M. Le capitaine Crofton, avait été frappé de ce qu’il y avait de juste et de fécond dans les idées que M. Hill exposait tous les ans au grand jury de Birmingham. Au mois de novembre 1855, il proposa au gouvernement des mesures qui devaient être l’application complète de ce nouveau système. « La réformabilité du plus grand nombre des criminels, disait-il dans son mémoire, a été admise en 1850, après une laborieuse investigation par un comité spécial de la chambre des communes, et son opinion a été corroborée par beaucoup de faits et de chiffres. L’objet reconnu de tout régime pénitentiaire est de combiner les moyens d’intimidation et de réforme. Le système actuel commence par l’intimidation et finit par une période de discipline réformatoire. Instituons un stage intermédiaire qui réunisse les caractères des deux autres, mais dans lequel domine l’élément réformatoire, comme l’élément afflictif domine dans le premier. La grande difficulté, ajoutait le capitaine, contre laquelle ont à lutter les prisonniers élargis, est le manque de travail. Tant que cette difficulté existera, la population criminelle, réformée ou non, demeurera une partie distincte de la communauté; la première chose à faire est donc de remédier à cette séparation. Nous avons demandé à la communauté de recevoir et d’employer la partie réformée de nos convicts, en présentant pour garantie de leur repentir leur conduite exemplaire en prison. Or le public ne considère pas comme une preuve suffisante d’amendement un certificat obtenu loin des tentations auxquelles les libérés sont exposés dans le monde. On ne reconnaît donc aucune valeur à ce témoignage, et en refusant d’employer ces criminels, on repousse ceux qui sont réellement corrigés aussi bien que ceux qui ne le sont pas. Le stage proposé du traitement réformatoire placera le prisonnier dans un milieu où il pourra être assailli par les tentations, et où le public aura l’occasion de juger de sa transformation morale, de ses habitudes laborieuses et de son aptitude au travail. Il ne faut que la complète évidence de ces faits pour rapprocher le chef d’atelier du libéré qui cherche et qui mérite de l’emploi. Ce stage d’épreuve, agissant comme un filtre entre les prisons et le public, deviendrait un moyen sûr de reconnaître les convicts véritablement corrigés, et les privilèges dont ils jouiraient exerceraient sur les autres une influence dont on ne peut trop apprécier la valeur. »

D’après ces principes, le capitaine Crofton présenta un plan fondé sur ce qu’il appelle l’individualisation, c’est-à-dire l’emprisonne-