Page:Revue des Deux Mondes - 1858 - tome 17.djvu/132

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

donné par les statistiques d’Angleterre et de France. Cependant on pensa que tant de bien-être accordé à des condamnés était d’un dangereux exemple, et que la concurrence de leur travail compromettait les intérêts des ouvriers honnêtes. Des mesures de rigueur furent introduites dans le régime de la prison de Valence : on priva les détenus de la part qu’ils recevaient sur le produit de leur travail, on leur ôta la possibilité d’abréger par leur bonne conduite la durée de leur peine. Dès ce moment, ils ne travaillèrent plus qu’avec mollesse et dégoût; les infractions à la discipline se multiplièrent, et le nombre des récidives augmenta dans une rapide proportion.

Après des expériences aussi concluantes, il faut bien reconnaître avec M. Hill que les bons traitemens ont plus d’empire sur l’âme des criminels qu’une discipline rigoureuse. Est-ce à dire qu’il faille supprimer dans les maisons de correction toute apparence de châtiment, et traiter les condamnés comme d’honnêtes gens qui se rassembleraient par goût dans une espèce de phalanstère? Nous sommes loin de le penser. Les succès obtenus à Munich et à Valence sont dus aux facultés tout à fait exceptionnelles de MM. Obermaier et Montesinos. Il y a des hommes nés pour le gouvernement moral, doués d’une puissance de persuasion irrésistible, qui domptent par leur ascendant ce qu’il y a de pire dans la nature humaine, comme il en est d’autres dont le regard fascine, dont la voix et le geste maîtrisent les animaux les plus terribles. Ce sont là des exceptions, et l’on échouerait presque toujours en confiant des essais du même genre à des gouverneurs qui ne se recommanderaient point par ces facultés spéciales. En second lieu, il y aurait une injustice profonde à former aux industries les plus lucratives des meurtriers et des voleurs, tandis que tant de braves gens ont bien de la peine à apprendre un métier qui leur procure les premières nécessités de la vie. Les résultats de Munich et de Valence sont de précieux documens acquis à la cause de la réformabilité, mais il ne faut pas compter sur les mêmes procédés pour obtenir des succès semblables.

D’autres moyens existent-ils donc? Peut-on voir autre chose qu’une généreuse illusion dans les systèmes pénitentiaires? Est-ce une science rationnelle, fondée sur des principes sérieux, que celle qui se propose de ramener au sentiment de l’honneur des êtres dépravés par l’habitude du vice et du crime? Que les idées soient innées dans l’homme ou que l’éducation seule éclaire sa conscience, il est certain que chez la plupart des malfaiteurs ce flambeau intérieur s’est éteint de bonne heure au souffle impur des passions. Cependant, quelque oblitérée qu’elle puisse être, la notion du bien et du mal ne se perd jamais complètement, et ce rayon de l’âme disparaît plus rarement que celui de l’intelligence. Je visitais, il y a quelques années, l’hôpital des aliénés d’Auxerre, dirigé par un jeune