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reux changemens produits par l’assainissement des logis dans les appétences et conséquemment dans les habitudes des occupans. Un air dégagé de miasmes méphitiques n’excite plus le besoin de boissons stimulantes, et quand le vice n’est pas enraciné, il disparaît avec les causes qui l’avaient fait contracter. Un progrès en amène un autre; le respect de soi-même accompagne la sobriété, et le goût d’un certain comfort suit le rétablissement des forces physiques. On veut avoir une table, puis deux chaises. Avec la propreté s’introduisent peu à peu dans la chambre quelques ornemens; en un mot, toutes les aspirations s’élèvent. Qui peut expliquer les secrètes affinités de l’âme humaine? qui peut dire les révélations soudaines que le malheureux ouvrier des travaux souterrains trouve dans le rayon de soleil qui vient caresser le chevet de son grabat et dans le parfum de la fleur que ses soins ont fait éclore?

On est toujours disposé à exagérer les effets des remèdes nouveaux : il ne faudrait pas attendre du drainage et de la ventilation le retour de l’âge d’or sur la terre; mais les rapports de la police ne sont pas suspects d’enthousiasme, et en 1854 ils constataient que, depuis l’amélioration d’un certain nombre de misérables gîtes, aucune accusation de crime, aucune plainte même de tapage, n’avaient été portées aux stations de Londres contre un seul locataire de ces nouveaux logis. Dans les classes qui fréquentent les maisons de logement en commun, le progrès est encore plus frappant : non-seulement le crime en a été expulsé avec l’infection et la peste, mais le vice et l’immoralité semblent avoir disparu de ces demeures saines et paisibles.

Comment se fait-il donc que dans un pays où tant de choses sont si admirablement ordonnées, où tant d’intelligences, de forces et de richesses sont toujours prêtes à accomplir tout ce que peut suggérer l’esprit de justice et de bienfaisance, on laisse encore subsister en si grand nombre et partout tant de foyers d’infection matérielle et de pestilence morale? Cette déplorable anomalie n’a qu’une seule cause, le respect exagéré pour la liberté individuelle, qui va, sinon jusqu’à tolérer le crime, du moins jusqu’à en souffrir les prédications et les complots. Le mal a été aggravé par un autre tort de l’autorité. Tandis qu’on ouvrait des rues nouvelles, qu’on remplaçait des quartiers malsains par des voies larges et des constructions magnifiques, aucune disposition n’a pourvu aux logemens des pauvres dont on renversait la demeure. Il en est résulté un surcroît d’encombrement dans les maisons restées debout. L’application incomplète de l’acte des maisons de logement en commun a des conséquences également funestes; l’inexécution fait autant de mal dans un quartier que la pratique produit de bien dans un autre. En dimi-