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inflige l’imperfection humaine. D’une armée de malfaiteurs et d’ennemis, l’Angleterre fait une pépinière d’artisans, de marins, de soldats, de laboureurs, qui augmenteront les forces défensives et productives de la métropole, iront accroître la population des colonies et en fonder de nouvelles. En satisfaisant au devoir suprême de la charité, les bills des écoles industrielles et des écoles réformatoires conjurent les plus redoutables éventualités, celles qui naissent de la surabondance de la population. En préparant à la vie sociale des masses qui ne pourraient plus tard trouver place sur un sol encombré, l’Angleterre régularise et féconde son mouvement d’expansion, elle élargit et assure les voies de l’avenir.

Le délaissement auquel est exposée l’enfance du pauvre n’est pas cependant la seule cause de crime et de désordre que la société anglaise ait entrepris de combattre. Elle a tourné ses efforts contre d’autres influences non moins pernicieuses, et en première ligne contre le vice national, l’intempérance. La statistique attribue à l’ivrognerie les neuf dixièmes des actes criminels qui se commettent dans ce pays, et les années de prospérité sont celles où il s’en commet le plus, parce que ce sont les plus favorables à la fatale passion des classes inférieures. C’est d’abord dans la misère que l’ivrognerie les jette, en paralysant les forces de l’ouvrier, en lui faisant perdre le goût du travail, en absorbant une partie des salaires nécessaires à sa famille, en développant chez lui toutes les passions ruineuses. Il ne s’en faut pas moins d’un milliard que le produit des accises compense les pertes de tout genre qui résultent pour le pays de l’abus des liqueurs spiritueuses. En présence de ces désastreuses conséquences, M. Hill, recorder de Birmingham, dans ses rapports trimestriels au grand jury, n’hésite pas à demander, non pas au gouvernement, mais à la nation elle-même, à la majorité de la nation, qui seule peut décréter une pareille mesure, la prohibition de toutes les boissons fermentées, sans en excepter la bière. L’honorable magistrat regarde comme impossible la suppression de l’abus tant que subsistera l’usage. Pour extirper le mal, il faut, selon M. Hill, prohiber tout ce qui peut le produire. Cette prohibition serait-elle constitutionnelle? L’intérêt public peut-il autoriser la majorité des citoyens à s’immiscer dans la vie privée au point d’interdire un usage sans inconvéniens pour un grand nombre? — M. Hill ne doute pas que la majorité n’ait le droit de limiter ainsi la liberté personnelle, parce que, la loi des pauvres imposant aux citoyens qui vivent de leur travail l’obligation de soutenir ceux qui ne peuvent pas et même ceux qui ne veulent pas pourvoir à leurs propres besoins, les premiers doivent avoir la faculté de recourir aux mesures propres à diminuer le nombre des individus à nourrir. Il est pro-