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milliers d’enfans gagnent leur vie par des moyens qui n’existent pas ailleurs, où un grand nombre d’adultes, qui n’ont pas dans la journée un seul moment disponible, peuvent cependant consacrer la soirée au progrès de leur instruction. Pour les élèves au-dessous de quatorze ans, les leçons du soir sont insuffisantes, et pour les plus pauvres elles ne deviennent possibles qu’autant qu’elles sont combinées avec des repas. Aussi, indépendamment des refuges que j’ai mentionnés, existe-t-il déjà dans la capitale plusieurs écoles qui nourrissent et logent les enfans.

Outre les divers établissemens que je viens de signaler, il en existe à Londres seize autres de même nature, qui appartiennent à l’œuvre de Field-Lane, ainsi nommée à cause du quartier où elle exerce son action bienfaisante. Le point de départ de ces asiles, il y a quatorze ans, fut une ragged school qui, fidèle à sa destination, n’a pas cessé de se recruter dans l’allée noire et dans l’égout. Successivement accrue, l’œuvre de Field-Lane comprend aujourd’hui une classe de jour pour enfans des deux sexes, des classes du soir pour les jeunes adultes et les jeunes apprentis, des classes industrielles pour les garçons, une classe pour les mères de famille, un ouvroir, un refuge qui a reçu l’année passée cinquante-cinq personnes par nuit, et leur a distribué cinquante-six mille six cent douze pains. — Des leçons sur la Bible y ont réuni jusqu’à quatre cents auditeurs à la fois. La même institution a établi une caisse d’épargne qui reçoit des dépôts de deux sous. Enfin elle a ouvert une église pour les gens en haillons (ragged church).

On rencontre peut-être plus de haillons en Angleterre, ce pays de la richesse, que dans toute autre contrée civilisée. Beaucoup d’artisans y sont déguenillés qui pourraient ne pas l’être, et seulement parce que ni eux ni leurs femmes ne savent coudre. Cependant ceux-là mêmes qui ne rougissent pas de leur misère dans la rue n’aiment pas à la porter où elle se remarque davantage, et renoncent souvent par amour-propre au bénéfice de l’enseignement et à l’accomplissement des devoirs religieux. De là vient la nécessité des établissemens destinés à cette classe d’auditeurs, et qui conservent comme moyen d’attraction un nom qu’en général ils ont cessé de mériter. J’ai visité plusieurs ragged schools, et je n’y ai pas vu de guenilles; elles ont toutes des classes de couture, et les enfans des deux sexes y apprennent le métier de tailleur, souvent même celui de cordonnier.

On s’y occupe aussi beaucoup de l’éducation pratique des filles, parce qu’on a reconnu combien elle laissait généralement à désirer. Les traditions de famille font souvent de la paysanne anglaise un type de parfaite ménagère, et le petit cottage d’une vallée du Glou-