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deen. Il existait une nombreuse classe d’enfans tombés encore plus bas dans l’abîme de la misère et du vice, qui ne paraissaient jamais dans ces écoles. Leurs fondateurs se concertèrent avec les magistrats pour en créer une troisième, qu’on appela l’école juvénile. Elle devait recevoir garçons et filles, car chez nos voisins les deux sexes sont souvent réunis sur les bancs comme dans les récréations jusqu’à l’âge de dix ou onze ans, et l’on regarde comme favorable aux mœurs ce rapprochement, qui chez nous ne serait pas sans inconvénient. Le comité des soupes de charité prêta son bâtiment, la vestry (comité des paroisses) s’engagea à payer des instituteurs, et la police fut chargée d’amener dans l’école tous les jeunes vagabonds passibles, en vertu d’un acte de George IV, d’une condamnation à soixante jours d’emprisonnement. L’œuvre commença le 19 mai 1845 avec un fonds de 4 liv. (100 francs). Les artisans de la ville d’Aberdeen sentirent si bien l’utilité d’un établissement qui préservait leurs enfans d’un dangereux contact, qu’ils contribuèrent la première année pour 250 livres aux dépenses de l’école juvénile, tandis que la souscription des citoyens plus riches ne s’éleva qu’à 150.

Tout n’était pas fait encore pour les enfans délaissés. Ces trois asiles ne recevaient que ceux qui n’avaient pas été condamnés. En 1846, on en ouvrit un quatrième pour les petits voleurs traduits à la barre des cours criminelles. Les juges, qu’aucune loi n’autorisait à soustraire ces jeunes malfaiteurs à une peine infamante, ajournaient le verdict pour établir une enquête sur la situation des familles et sur les ressources des prévenus, disposant provisoirement de leur personne et se réservant de donner suite à l’accusation en cas d’évasion ou de récidive. On logea ces prévenus à part dans la maison des pauvres, et on les admit à l’enseignement des écoles industrielles. En 1854, cet état de choses fut régularisé par une disposition législative (Dunlop’s act) qui prescrivait à la police d’Aberdeen d’amener de force tous les jeunes vagabonds à ces établissemens.

En 1841, première année de l’ouverture des nouveaux asiles, il y avait à Aberdeen 61 enfans écroués à la prison. Dix ans plus tard, il n’y en avait plus que 8; mais en 1853 le nombre des emprisonnemens s’accrut de nouveau, et en 1854 il remontait au chiffre de 49. On rechercha la cause d’un fait trop grave pour ne pas éveiller la sollicitude des bienfaiteurs de l’enfance. Voici ce qui s’était passé. Des voleurs de profession, édifiés par les résultats des écoles industrielles, en avaient établi précisément sur le même modèle; la nature seule de l’enseignement différait. Ils nourrissaient, logeaient, habillaient un grand nombre d’enfans, leur apprenaient le métier de voleur, et leur indiquaient les occasions de l’exercer. L’arrestation de ces pédagogues d’un nouveau genre mit fin à leur concur-