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civique, et le prince parut devant une réunion de citoyens où il jura de rester fidèle aux principes de la révolution qui se préparait alors à régénérer le monde. Il a prouvé, par les dix-huit années de paix et de grande liberté qu’il a données à la France, que ce serment de sa jeunesse était l’expression sincère de son âme. C’est à Vendôme aussi qu’en 1796 ont été jugés par la haute cour nationale, condamnés et puis exécutés, Babeuf et les partisans de ses tristes doctrines. Faut-il rappeler d’autres noms d’hommes diversement célèbres sortis du collège de cette ville, MM. Decazes, Dufaure et Balzac, qui a placé à Vendôme la scène de plusieurs de ses romans, entre autres celle de Louis Lambert ? J’allais presque oublier de citer la grande réputation littéraire de ce joli pays, Ronsard, prince des poètes français et gentilhomme vendômois, comme il se qualifiait lui-même. Il est né dans le château de la Poissonnière, situé à deux lieues de Montoire, petite ville du Bas-Vendômois.

L’an que le roi François fut pris devant Pavie,
Le jour d’un samedy, Dieu me presta la vie
Le onzième de septembre, et presque je me vy,
Tout aussitôt que né, de la parque ravy.

Ce château de la Poissonnière, où Ronsard est venu au monde, comme il le dit, le 11 septembre 1524, l’année même où François Ier fut fait prisonnier à la bataille de Pavie, est aujourd’hui la propriété d’un homme de goût, qui l’a fait restaurer dans le style de l’époque où il était la résidence de ce poète qui a failli détourner la langue de Marot, de Rabelais, de Montaigne, de Molière et de Voltaire, de son cours naturel. Ronsard a perdu heureusement son grec et son latin à cette œuvre ingrate, et il n’a laissé après tout que le nom pompeux d’un réformateur qui a méconnu l’esprit de son temps et de son pays. On pourrait citer bien des politiques qui n’ont pas été plus heureux dans leurs projets de réaction que le chantre fastueux de la Franciade. On trouve encore dans la population vendômoise quelques gouttes du sang de Henri IV, et même de Racine, ce qui paraît plus étonnant; on voit que c’est une terre privilégiée, qui se rattache à l’histoire générale du pays par de nombreuses ramifications.

La situation de Vendôme est délicieuse. Placée au pied d’un château féodal dont les ruines pittoresques s’aperçoivent de loin et dominent le paysage, la ville, qui avait été primitivement enfermée par des fossés et des remparts, s’étend et s’éparpille dans une jolie vallée qui va s’élargissant jusqu’à Montoire et de Montoire Jusqu’à Château-du-Loir, à dix lieues de distance. Les deux collines qui enferment la vallée, et que le regard embrasse sans efforts, sont chargées de vignobles, de hameaux et de jolies maisons de plaisance qui sourient au voyageur. Le Loir, qui coule paisiblement le long de la vallée, au bas de l’une des deux collines dont il reflète la végétation, est une jolie rivière aux eaux calmes, transparentes et fécondes pour les riverains. Le caractère de ce gracieux pays, situé au centre de la France, n’est ni l’activité bruyante de l’industrie compliquée des grandes villes, ni le mouvement sérieux du commerce extérieur, ni l’aspect plantureux des provinces grasses et fortes des extrémités du pays, telles que la Normandie, la Lorraine, l’Al-