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de chanteurs et de joueurs de toute sorte d’instrumens. Vers le commencement du XVIIe siècle, il vint à Paris un jeune enfant, nommé Michel Danican, qui était du Dauphiné. Il s’était adonné à l’étude du hautbois et parvint à se faire entendre de Louis XIII, qui s’écria ravi : « J’ai trouvé un second Filidori. » C’était le nom d’un célèbre virtuose italien, de la ville de Sienne, qui avait charmé la cour de France quelques années auparavant. Michel Danican, sous le nom francisé de Philidor, qu’il a transmis à ses successeurs, fut admis au nombre des musiciens de la chapelle du roi. De ses deux fils, Michel, l’aîné, se distingua aussi sur le hautbois, et fut membre de la chapelle royale. Il a même composé la musique de quelques opéras-ballets, sorte de divertissemens qui ont précédé la création de l’opéra par Lulli. Le second fils du premier Philidor, André, qui entra à la chapelle comme joueur de viole, a laissé dans l’histoire un nom inséparable d’une collection précieuse de vieilles chansons françaises qu’il a copiées de sa main et dédiées à Louis XIV. Cette compilation, intéressante à plus d’un titre, se trouve à la bibliothèque du Conservatoire de musique de Paris, et renferme dans quelques volumes la musique originale de plusieurs comédies de Molière. Elle est souvent consultée par les curieux de nos jours, qui n’ont pas toujours la bonne foi d’avouer à quelle source prochaine ils vont chercher les raretés qu’ils éditent. Je passe rapidement sur cinq autres Philidor, tous musiciens, et parmi lesquels se trouve une cantatrice : je voudrais m’arrêter plus particulièrement sur le plus célèbre de tous, l’auteur du Maréchal ferrant et de Tom Jones.

François Danican Philidor, issu d’un second mariage de Michel, troisième du nom, naquit à Dreux le 27 septembre 1727. Il fut admis tout jeune à l’école des pages de la chapelle, qui avait son siège à Versailles, où il fit son éducation musicale. Ses études terminées, Philidor alla s’établir à Paris, où il vécut, tant bien que mal, en donnant des leçons et en copiant de la musique pour les amateurs. Tous les ans, il se rendait à Versailles pour y faire exécuter un motet de sa composition à la chapelle du roi, où se trouvaient plusieurs membres de sa famille. Après plusieurs années de tâtonnemens et de distractions consacrées au jeu d’échecs, où il était devenu d’une force redoutable, après un voyage en Hollande entrepris pour se soustraire à des créanciers qui ont été la grande plaie de sa vie, Philidor retourna à Paris avec la résolution de se vouer au culte de l’art qui avait illustré sa famille. Le premier ouvrage dramatique que donna Philidor, après avoir vainement sollicité la place de surintendant de la musique du roi, fut Blaise le Savetier, opéra-comique en un acte, qui fut représenté avec succès au théâtre de la foire Saint-Laurent le 7 mars 1759. C’était l’année où Monsigny donnait aussi son premier essai, les Aveux indiscrets. Le Soldat magicien, joué en 1760, et le Jardinier et son Seigneur, représenté le 18 février 1761, donnèrent à la réputation de Philidor une physionomie particulière au milieu des compositeurs aimables entraînés par leur vocation vers l’opéra-comique, genre modeste, qui exigeait plus d’esprit et de sentiment que de savoir. Philidor était, après Rameau, le meilleur musicien français de son époque. Le Maréchal ferrant, opéra-comique en deux actes, représenté le 22 août 1761 et repris l’année suivante avec un grand succès, enfin Tom Jones,