Page:Revue des Deux Mondes - 1858 - tome 16.djvu/942

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

culture maraîchère que la vapeur apporte sans altération jusqu’à Paris[1], pour rechercher ensuite les principaux résultats de la culture des céréales et de quelques cultures industrielles.

Au premier rang des produits de la culture maraîchère en Algérie se placent les ignames, les bâtâtes[2] et les pommes de terre. Déjà nous avons eu occasion d’apprécier ici[3] les efforts tentés pour acclimater l’igname en France. En Algérie, nous avons à signaler des tentatives non moins dignes d’intérêt. Une culture expérimentale et comparative a été entreprise par M. Hardy, directeur de la pépinière centrale du gouvernement à Alger, sur dix-huit espèces ou variétés d’ignames originaires de l’Inde, de la Nouvelle-Zélande et de la Chine : quatre espèces et huit variétés provenaient de Siam et du Cambodje. Ces expériences ont clairement établi que l’on n’obtient de belles récoltes de ces tubercules qu’à la condition d’implanter des tuteurs pour soutenir les tiges volubiles et de pratiquer à temps quelques irrigations. Les plus volumineux rhizomes féculens et les plus abondans produits ont été obtenus de l’igname jambe d’éléphant (dioscorea alata elephantipes) et de l’igname nommée patte de tortue; elles, ont produit en 1857, l’une 37,040 kilog., l’autre 74,280 kilog. par hectare, sur le terrain cultivé expérimentalement par M. Hardy. Venaient ensuite, d’après l’ordre de l’abondance de la récolte, l’igname de la Nouvelle-Zélande et l’igname violette de la Chine. La dernière, dont on a obtenu 33,000 kil. sur la même superficie, est généralement connue aujourd’hui sous le nom de dioscorea batatas. Les tubercules de cette variété avaient été envoyés par plusieurs colons; c’est la seule variété qui ait pu être cultivée en grand dans le midi et le centre de la France. En Algérie, la culture de la dioscorea batatas offre l’incontestable avantage d’une croissance plus rapide, qui permettrait, pourvu qu’on plantât de petits tubercules entiers (faciles à obtenir au moyen des bulbilles) ou des tron-

  1. On avait reçu notamment, à l’exposition d’horticulture de 1858, des artichauts dits verts de Provence, de volumineux choux-fleurs, des fèves, des tomates dans un remarquable état de fraîcheur.
  2. On confond souvent les batates avec les ignames, qui se présentent également en tubercules allongés; rien n’est cependant plus facile que de les distinguer, lors même que les tubercules sont coupés en tronçons : toute la superficie des bâtâtes est unie et lisse comme celle d’une pomme de terre vitelotte, tandis que la surface des ignames est au contraire toute hérissée d’exubérances en forme de mamelons qui correspondent à des radicelles non développées ou à des bourgeons latens. Si d’ailleurs on coupe transversalement une igname, on voit sur la tranche de nombreux petits cercles blanchâtres représentant la fécule agglomérée tout autour des faisceaux vasculaires qui traversent le rhizome (tige souterraine tuberculeuse). Les tranches de bâtâtes n’offrent à la vue rien de semblable; la masse blanchâtre ou jaunâtre de ces tranches, parfois rosée sur les bords, est d’une nuance uniforme.
  3. Revue du 1er mai 1858.