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et ensuite l’anéantissement du Danemark. Ne le voit-on pas clairement aujourd’hui? Nul danger pareil n’existait quand l’union entre le Danemark propre, c’est-à-dire les îles danoises, le Jutland et le duché de Slesvig d’une part, et les deux duchés allemands, Holstein et Lauenbourg de l’autre, était seulement personnelle, le roi de Danemark étant aussi duc allemand. Une semblable organisation aujourd’hui même tient uni sans nul danger au royaume de Hollande, mais seulement comme possession particulière du roi, le grand-duché de Luxembourg, qui fait partie de la confédération germanique. Lorsque la confédération, il y a deux ou trois ans, a exigé la révision de la constitution du Luxembourg, trop libérale et a antimonarchique » à son gré, le grand-duc dut obéir sans hésitation : il put le faire sans engager le roi de Hollande ; les libertés de la Néerlande ne reçurent aucune atteinte d’une telle modification, parce qu’il n’y avait de commun entre les deux états que la personne même du souverain, dont les droits et les devoirs étaient ici et là nettement distingués. En Danemark au contraire, le célèbre système du heelstat, imposé par la diplomatie allemande, a détruit une distinction si nécessaire. Le Danemark propre, qui naguère formait un état indépendant et souverain, s’est trouvé réduit au rang de province dans cette nouvelle monarchie qu’on créait en Europe, et la représentation qui siégeait à Copenhague a été abaissée au rôle inférieur d’assemblée provinciale. A côté de la constitution sagement libérale que le Danemark avait reçue en 1849 aux termes de la promesse faite par le feu roi Christian VIII avant le mouvement de février 1848, on a vu s’élever une constitution commune devant s’appliquer à la fois au Danemark, au Slesvig, au Holstein et au Lauenbourg. Non-seulement le royaume proprement dit se voyait de la sorte amoindri et maltraité, mais encore la diplomatie, armée de ce qu’on appelait alors « la nécessité européenne, » stipulait une constitution particulière pour le duché de Slesvig, terre de nationalité danoise, à qui l’occupation étrangère, pendant le mois de juin 1849, n’avait pas permis d’étendre le bénéfice de la constitution nouvelle, mais qui devait naturellement recevoir les mêmes institutions que s’était données le Danemark proprement dit. Une constitution particulière était aussi assurée au duché de Holstein, et une autre au duché de Lauenbourg; la conservation des états provinciaux qui avaient jusque-là régi le Slesvig aussi bien que les autres duchés était surtout garantie, comme si d’une part rien ne se fût passé de nouveau en Danemark, comme si de l’autre la confédération germanique avait eu le droit de disposer du gouvernement en Slesvig, ce qu’elle pouvait faire à certains égards en Holstein et en Lauenbourg. Il est clair maintenant qu’on avait entraîné le Danemark dans un double