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sécurité. En d’autres termes, la Suède ne doit espérer d’atteindre le développement auquel elle aspire évidemment dans tous les sens qu’après la réforme de la représentation nationale, puisque cette organisation décrépite et funeste conserve seule et garantit à l’église une autorité qui n’est pas vraiment la sienne, et qui ne correspond fidèlement ni à sa mission religieuse telle qu’elle est comprise dans notre temps ni à la place qu’elle occupe en réalité dans l’état. La constitution suédoise exige le concours des quatre chambres pour tout changement à faire à la loi fondamentale. Or il est bien évident qu’on n’obtiendra jamais un tel consentement en vue des réformes constitutionnelles fondamentales, si l’un des quatre ordres s’y croit blessé. Peut-être la royauté ne peut-elle rien à cela; probablement Charles-Jean se vantait quand il disait d’un ton dégagé en 1830 à notre chargé d’affaires, M. de Tallenay[1] : « Décidément je ne changerai rien à la constitution de ce pays-ci; elle est traditionnelle. Mon pouvoir est bien restreint sans doute, mais il n’importe... » Il savait bien, et l’opposition aussi, que, grâce à l’ingénieux mécanisme de la représentation, l’autorité royale dominait aisément, et il le reconnaissait peu d’instans après lui-même. « Au fond, ajoutait-il, cette division des quatre ordres donne une grande force à la couronne, qui ne manque jamais d’exercer une grande influence sur leur majorité. La forme lente et compliquée de leurs délibérations nous offre mille combinaisons diverses. Le clergé est pour le trône et lui reste invariablement uni; on peut beaucoup obtenir des bourgeois en les caressant; les paysans ne font guère que ce qu’on leur dit de faire, et je puis ainsi paralyser l’opposition des nobles... Ces derniers même ne sont pas difficiles à gagner; seulement il en coûte cher. Bref, avec de la persévérance, on pondère ces différens pouvoirs... » En réalité, Charles-Jean avait tourné cent fois à son profit ce veto par lequel un seul ordre, en beaucoup de cas, peut arrêter les projets de réforme les mieux accueillis de l’opinion publique et de la diète en général, et il s’en félicitait. Et pourtant il n’aurait sans doute pas pu, s’il l’avait désiré, faire accepter des quatre ordres, dont le consentement unanime est nécessaire en de telles questions, une modification importante d’un système reconnu funeste : nouvelle preuve qu’à l’intérieur l’intolérance et l’institution même de l’église luthérienne suédoise menacent et compromettent l’état de deux façons, — d’abord en l’obligeant à la répression des attaques dirigées contre elle, répression qui détourne son attention et ses forces et le rend justement odieux, — puis en élevant une barrière qui semble, en vérité, infranchissable contre beaucoup de

  1. Dépêche du 29 janvier 1830. — Archives du ministère des affaires étrangères.