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cipe même du protestantisme? L’intervention des laïques dans les choses religieuses n’en était-elle pas une conséquence naturelle? De telles rigueurs enfin, au lieu de ramener les esprits, ne devaient-elles pas les irriter et les égarer davantage? N’était-on pas redevable précisément à la résistance injuste de l’église de l’excès des derniers troubles, et une sage liberté, sous la protection des lois, ne devait-elle pas être à la fois l’arme la plus digne et la plus sûre?

Poser de telles questions, c’était les résoudre. D’ailleurs le mouvement religieux suscité par Hauge s’était fortifié du sentiment de l’indépendance nationale, consacrée par le changement politique de 1814, qui avait séparé la Norvège du Danemark : le progrès civil et politique faisait désirer un progrès religieux; toutes les libertés se touchent et s’appellent. Les représentans du pays, cédant à l’impulsion de l’esprit public, commencèrent donc par proposer au roi, pendant la session du storthing de 1836, l’abolition de la loi du 13 janvier 1741 contre les réunions religieuses, d’après laquelle Hauge et un certain nombre de ses disciples avaient été frappés. Cependant, comme tout ce qui venait de Christiania était suspect alors pour la royauté suédoise, irritée de ne pouvoir resserrer à son gré l’union décrétée de la Suède et de la Norvège, Charles-Jean refusa de sanctionner la proposition du storthing. L’assemblée suivante la renouvela en 1839 : Charles-Jean la rejeta encore; mais on sait que la constitution norvégienne donne force de loi, en dépit du refus royal constamment répété, à une proposition du storthing trois fois émise. La couronne, afin d’éviter l’affront, voulut prendre l’initiative, et fit élaborer un projet de réforme religieuse; ce fut alors le projet royal qui fut rejeté à son tour par le storthing de 1842, et l’abolition de la loi de 1741, proposée pour la troisième fois par les représentans, fut, malgré Charles-Jean, un fait accompli. Ce n’est pas tout. Charles-Jean mourut en 1844 ; son fils et successeur Oscar Ier était personnellement favorable à la cause de la liberté religieuse; le nouveau règne s’ouvrit donc par la proposition, au storthing de 1845, d’un projet de loi émané du gouvernement lui-même, et stipulant la reconnaissance égale de toutes les communions chrétiennes en Norvège. Le premier acte politique du roi Oscar, comme le dernier qui ait signalé son autorité personnelle peu de temps avant la déplorable maladie qui le retient aujourd’hui éloigné des affaires, fut donc, — l’histoire ne l’oubliera pas, — une généreuse et noble protestation en faveur de la plus respectable des libertés. Le, rapport de la commission nommée par le gouvernement avait embrassé la question d’un seul coup d’œil dans toute son étendue. « Il faut, disait-il, que chacun puisse adorer Dieu de la manière qu’il croit la meilleure. Les lois actuelles de la Norvège ne