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pore le 12 septembre. Le 16 arrivait le général sir James Outram, nommé au commandement militaire du district, et, parmi, les généraux anglais, celui de tous qui connaissait le mieux le pays où la guerre se concentrait définitivement. Havelock venait de servir en Perse sous ses ordres. Vieux compagnons d’armes, ils se connaissaient à fond et comptaient l’un sur l’autre. Le premier acte officiel du général Outram fut empreint d’une générosité chevaleresque. Déposant provisoirement tous les privilèges de son grade, il déclara, par un ordre du jour spécial, qu’il se mettait en qualité de volontaire à la disposition de son digne camarade. Il accompagnerait l’armée simplement en cette qualité, et aussi à titre de commissaire en chef de l’Oude, Havelock devant conserver la direction de l’entreprise qu’il avait si vaillamment commencée.

Avec les forces que lui amenait le général Outram[1], et en y joignant, en sus des blessés qu’on avait remis en état de faire campagne, les cholériques qu’un mois de repos avait rétablis, Havelock disposait de deux mille six cents combattons. Le 19, il traversait le Gange, grossi par les pluies, et faire franchir le fleuve à cette longue suite de chariots, de canons, de bœufs, de chameaux, d’éléphans, à ces nombreux valets d’armée et coolies qui constituent les impedimenta d’une armée anglo-indienne[2], ceci sous le feu des tirailleurs ennemis qu’il fallut disperser, constituait déjà une difficulté assez notable. Par-delà le Gange, on trouva l’inondation. Le soleil dardait de puissans rayons sur les champs submergés où la colonne se traînait lentement. Elle n’emportait que quinze jours de vivres, mais en revanche un parc d’artillerie au complet et des munitions en quantité considérable. Après les marais vinrent les sables brûlans. L’ennemi battait en retraite ; déjà pourtant, sur les derrières de la colonne, il avait repris la campagne. Pas un des messagers (cossids) que Havelock dépêcha vers Cavvnpore ne put franchir la ligne des insurgés, qui s’étendait le long des rives du Gange. La journée du samedi avait été consacrée au passage du fleuve ; le dimanche, on fit halte : Havelock n’aimait pas, sauf les cas d’urgente nécessité, à violer le sabbat. L’ennemi, campé à deux milles de lui, harcelait la cavalerie de l’avant-garde ; on ne répondit pas à ses provocations, et le lendemain seulement la marche recommença par

  1. Le 5e fusiliers, quelques compagnies du 78e et une portion du 90e régiment.
  2. Un seul détail peut en donner une idée. À chaque compagnie sont attachés dix palanquins. À chaque palanquin il faut six porteurs, payés chacun 16 roupies ou 20 fr. par mois. Donc, pour le seul transport des malades ou blessés, chaque régiment traîne après lui quatre cent quatre-vingts coolies, ce qui suppose une dépense annuelle d’au moins 103,200 fr. C’est M. Russell, le correspondant du Times, qui nous donne ce curieux renseignement.